Louna M. 15/03/2022

Mon quartier au-delà des clichés

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D’un côté le trafic qui mine le quotidien, de l’autre la convivialité qui fait la vie du quartier… Visite guidée et contrastée du quartier de la Planoise dans les yeux de Louna.

Rumeurs sur le quartier de la Planoise à Besançon, je rétablis ma vérité. À 14 ans, je raconte ce que je vis tous les jours. Bien sûr, ça craint avec les bicraveurs… On vit à leur rythme.

C’est le côté sombre. Ils prennent pour cible les bâtiments afin d’y mener leur business. Ça semble être le meilleur endroit pour vendre facilement leurs marchandises. Le bicraveur s’installe au 2e ou 3e étage du bâtiment pour accueillir les « iencli », les clients. Il suffit de monter chercher sa « frappe ». Installé dans l’escalier, le bicraveur se pose et construit une sorte de barrage, souvent en utilisant les portes des compteurs électriques. Ce système lui permet de gagner du temps pour se cacher quand la police débarque. Il utilise aussi une bombe de couleur pour teinter les fenêtres des escaliers entre le premier et le quatrième étage, pour qu’elle ne puisse pas voir à travers quand elle éclaire.

Quand il faut descendre les poubelles, ils sont là

En bas de l’immeuble et dehors, les bicraveurs s’appuient sur les guetteurs. Il y en a toujours un dans la cage d’escalier pour diriger le client. Les autres, autour des bâtiments, alertent le dealeur en criant : « Aaarrrahhhh. » C’est leur façon d’avertir que la police tourne. Ils sont habillés tout en noir avec un masque et une capuche. On ne voit que leurs yeux.

Même s’ils brûlent les judas des portes d’appartement pour que les habitants n’observent pas leur trafic, ces gens-là se sont toujours montrés serviables et respectueux envers ceux qui vivent dans le bâtiment. Ils n’hésitent pas à aider un voisin qui sort de sa voiture les bras chargés de courses. Quand il faut descendre les poubelles, ils sont là… Malgré leurs activités, ils ont toujours fait preuve de respect avec les gens du quartier.

Mon quartier c’est plus que ça

Mais, au-delà des clichés, mon quartier c’est plus que ça. Ma Planoise est géniale et multiculturelle. Les Marocains, les Algériens, les Ivoiriens, les Congolais, les Italiens… se côtoient sans racisme. Ici, tout le monde s’entend, soudés et fraternels. Chez moi, on trouve beaucoup de commerces : un supermarché, un coiffeur, une boulangerie, un salon de thé, et une chicha… On profite aussi des gymnases, de la piscine ou de la bibliothèque, et bien sûr des établissements scolaires.

Entre l’argent facile et le travail « honnête », Kylian a choisi. À l’école, il a d’abord décroché, pour finalement décider de se construire une « meilleure vie »… sans quitter son quartier.

Capture d'écran d'une photo d'un homme de dos qui tient son sweat couleur corail devant un immeuble gris devant des grandes fenêtres bleus.

Quand le soleil sort le bout de son nez, avec mes copines, on se retrouve et on va se poser place C. On discute et on rigole juste à côté de chez nous, nos parents ne s’inquiètent pas. Nous ne sommes pas les seules à sortir. Les familles viennent aussi se poser là-bas et apprécient les jets d’eau pendant l’été. Les enfants aiment se mouiller quand il fait très chaud. Plus loin, les garçons restent entre eux, dans leur coin, le City. Ils squattent cet endroit, fument, rigolent ou font de la moto. Les filles ne peuvent pas se poser avec eux, sous peine que les garçons leur fassent une réputation de « putes ». Pour eux, une fille n’a pas à traîner avec des garçons. Mais c’est mon quartier, et j’y suis attachée.

Louna, 15 ans, collégienne, Besançon

Crédit photo Hans Lucas // © Antoine Mermet

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