Kalvin C. 01/02/2021

Ma mère en télétravail et moi en « téléchômage »

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En plein confinement, j'ai passé autant de coups de fil que ma mère en télétravail... Tout ça pour une place en apprentissage.

Lors du dernier confinement, mes journées étaient longues. Je me levais à 7 h 30 pour amener mes petits frères à leur école à 8 h 10. J’avais l’impression d’être une nounou dès que je rentrais chez moi. Je nettoyais la table et la cuisine, ensuite je prenais de quoi noter, mon téléphone et mes écouteurs. Téléconseillère, ma mère était aussi en télétravail à côté de moi. Elle enchaînait les appels, en moyenne trente-deux par jour. Quant à moi, je devais chercher une entreprise pour trouver mon apprentissage.

J’avais trois feuilles et des listes d’entreprises. Méthodiquement, je barrais leurs noms : cela signifiait qu’elles ne prenaient pas d’apprenti. Chercher une entreprise, c’est comme escalader une montagne mais pour avoir une vue de merde !

Nous étions devenus comme des robots 

Ma mère recevait des coups de fil, mais elle, c’était son job. Moi, je n’y étais pas habitué. Le pire, c’est de tomber sur les messageries insupportables ou sur des personnes injoignables. Je notais scrupuleusement leur numéro de téléphone et il fallait à nouveau recommencer. Avec ma mère, nous étions devenus comme des robots à faire tout le temps la même chose ! 

Une fois la liste achevée, j’en faisais une autre. Sur les pages jaunes, je cherchais d’autres boîtes situées à proximité de ma ligne de transport, le RER D. À midi, je faisais à manger pour moi et ma mère. Sa pause ne débutait qu’à 13 heures et elle ne pouvait s’accorder que trente minutes de repos avant de reprendre, à 14 heures. À ce moment-là, je me jetais à nouveau sur mon portable, et reprenais les appels jusqu’à 16 heures. Sans le moindre succès. Puis, il fallait aller chercher mes frères à l’école parce que ma mère, elle, continuait à bosser jusqu’à 18 heures.

Tous les jours, le scénario se répétait. Tous les soirs, j’étais dépité.

« Il y a peut-être une piste »

Un soir, lors d’un repas en famille, mes parents, qui étaient eux aussi inquiets, ont décidé de m’aider. Je pense qu’ils se sont dit que si je ne trouvais pas de job, c’était fini pour moi. Mon père a dit : « Bon, je vais essayer de demander à Eiffage, même si je n’aime pas demander… mais je vais essayer. » Mon père n’étant pas vraiment sociable, j’étais très content de ce geste. Ce n’était pas gagné.

Le lendemain, j’allais reprendre ma diabolique routine. Passer huit heures assis à table à appeler des gens. C’était très chiant. Ma mère m’a alors glissé : « Il y a peut-être une piste. » Le lendemain, j’en étais si content que j’ai oublié de me réveiller. C’était mercredi, jour du centre aéré. À 10 heures, je suis descendu pour reprendre mon ennuyante liste d’appels, quand ma mère m’a dit : « Arrête, tu n’as plus besoin, c’est dans la poche ! » J’étais content. J’allais avoir 15 ans et j’allais enfin avoir ma première paye. 400 euros. C’est fou ! Je pensais à ce que je pourrais m’acheter.

Trouver un apprentissage sans réseau en cette période… quasi impossible

Mais, très vite, m’est venue une autre pensée : ils ne m’ont pas pris pour moi mais pour mon père. Au nom de sa réputation. Menuisier, il travaillait sur un chantier à Paris, où il collaborait avec des gens d’Eiffage. Il fait du très bon travail. Ces gens-là ont vu comment il bossait et se sont dit que ce serait sûrement pareil avec son fils. Moi, j’en doutais, car je n’ai pas d’expérience.

Tout comme Kalvin, Benoît a besoin d’une alternance pour continuer son apprentissage. Mais avec la crise sanitaire et sans réseau, aucune de ses recherches n’a porté ses fruits jusqu’ici, malgré des centaines de mails…

Un jeune homme sur son balcon cahe son visage de sa main. Stoppé dans sa recherche d'alternance.

En tout cas, j’ai passé trois cent appels pour rien. Quand mon père a demandé à une seule personne, il a trouvé immédiatement. J’ai de la chance. Trouver un patron pendant cette période de Covid-19, c’est extrêmement compliqué. Commencer une formation d’apprenti dans cette période, c’est quasiment impossible si on ne fait pas partie d’un réseau.

Merci papa. Le travail paie.

Kalvin, 14 ans, lycéen, Dammarie-les-Lys

Crédit photo Unsplash // CC Aman Abdulalim

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