Angélique L. 21/06/2023

La restauration, mon expérience cauchemar

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Ravie et motivée en commençant son premier travail, Angélique a vite déchanté, et craqué sous la pression infligée par ses supérieurs.

27 septembre 2021. Dernière année avant ma majorité. Ce jour n’est pas seulement mon dix-septième anniversaire, c’est aussi celui où je décroche mon premier contrat de travail. Ma toute première expérience professionnelle. Je m’en rappellerai toujours. Je prépare le repas du soir, quand mon téléphone affiche un numéro inconnu.

« Allô Angélique ? » 

Je reconnais cette voix masculine, celle du patron du restaurant dans lequel j’ai passé un essai le vendredi précédent. Un restaurant italien à la décoration plutôt discutable aux Sables d’Olonne, mais je ne suis pas là pour devenir décoratrice d’intérieur. Au bout de quelques minutes : « On aimerait te proposer un contrat. Tu commences vendredi soir, ça te va ? » 

Pardon ? C’est vrai ? MON PREMIER CONTRAT ? JE SUIS SERVEUSE ?!

Une immense joie m’envahit, j’ai envie de l’annoncer à des centaines de personnes, mais je ne laisse rien paraître et dis simplement : « Super, à vendredi. » Je viens de décrocher mon premier contrat de travail officiel.

Humiliée devant les clients

Un mois est passé. J’ai fait connaissance de toute l’équipe. L’ambiance est froide mais j’apprends mon travail peu à peu et suis remplie de motivation. Un soir, ma supérieure Louise n’hésite pas à m’humilier en plein service devant tous les clients. J’ai fait une erreur : je débarrassais une table au fond du restaurant, trois personnes sur cinq ont terminé leur pizzas. Elle me crie dessus, devant les clients : « Angélique, qu’est-ce que tu fous ? » 

Pardon ? Pourquoi ? Qu’est-ce que j’ai fait ? J’ai fait ce qu’on m’avait demandé… Je ne sais même pas ce que j’ai fait. J’ai foiré. Ce n’est pas de ma faute. C’est de ma faute. En une seconde, des pensées contradictoires m’envahissent l’esprit. Je me demande d’où peut bien venir l’erreur.

« Tu vois pas que ces deux personnes n’ont pas terminé ? », me fait-elle remarquer avec un air hautain et condescendant.

Je ne sais pas où me mettre. J’ai les joues rouges et le regard baissé pour éviter ceux des clients. Mais quand je lève la tête, contrairement à ce que je pensais, les cinq me regardent, et leurs yeux sont remplis d’incompréhension et de compassion. Je repose leurs assiettes en m’excusant une demi-douzaine de fois.

L’esclave de tout le monde

Deux mois sont passés. Les tables et les tâches s’accumulent à chaque service, qui se déroule toujours de la même manière. « Angélique débarrasse la 42 » ; « Amène les desserts de la 18 » ; « Les boissons de la 30 attendent encore » ; « Redresse la 36 » ; « Tu as oublié le pain à la 20 » ; « Amène le pain à la 40 » ; « Tu auras des boissons à la 36 » ; « Il manque l’huile pimentée à la 320 » ; « Redresse la 20 » ; « Tu as oublié la carafe d’eau à la 56 » ; « Va demander si la 40 veut des desserts. »

Constamment, toutes les secondes, à tous les services. Les seules fois où on m’a confié d’autres rôles que le « run », c’était pour dix minutes pendant que ma supérieure et un collègue prenaient le temps d’aller fumer en plein service. Le « run », c’est le poste le moins respecté : débarrasser, amener les plats, les boissons, les desserts, redresser les tables, encore, encore et encore. On ne m’a jamais confié l’accueil, le bar ou la prise de commande.

Au bout de quelque temps, mes deux patrons me convoquent à la fin d’un service : « Tu vas devoir t’améliorer et changer de comportement ou on va devoir s’arrêter là », me disent-ils.

Tiens. Une menace de licenciement, quel étonnement…

Mon travail, un semblant de fierté

Trois mois sont passés. Je ne fais plus aucune erreur et suis devenue suffisamment rapide pour assurer le service correctement. Mais les remarques et demandes incessantes ne se sont pas arrêtées. On me traite et me parle toujours de la même manière. On ne m’a pas félicitée une seule fois pour le travail que je fournis. Je fais des crises d’angoisse avant chaque service et des crises de larmes après. Parfois, les larmes arrivent pendant.

Quand son job de vendeuse s’est transformé en CDI étudiant, Léa était contente. Jusqu’à ce que les réalités du métier l’épuisent.

Capture d'écran de l'article "Mon job dans le prêt-à-porter, ce n'est pas ce qu'on ù'avait vendu" illustré par une photo : Jeune femme qui regarde des vêtements dans un rayon de magasin.

Le dernier soir avant Noël, tout est devenu trop pesant. Je prends mon téléphone pour envoyer un message à une amie, lui disant que ma démission ne devrait plus tarder. Je le rédige le plus vite possible afin de reprendre mon service. Mais Louise arrive à ce moment-là, le remarque et le rapporte à ma cheffe. Elle me prend à part pour me reprocher mes erreurs et mon comportement soi-disant exécrable. Mes larmes coulent et, quand je reprends mon service, mes yeux sont encore rouges. Je sers une table qui le remarque. L’un des clients me demande si ça va. Cette attention me fait plaisir, plus que tout.

Le 1er janvier 2022, ma démission est donnée. Je souffle, sans comprendre pourquoi le fait d’avoir déposé un petit papier me fait autant plaisir et me libère d’un tel poids. Bien que la restauration me passionne, ce restaurant et cette expérience ont réussi à m’en dégoûter.

Angélique, 18 ans, en recherche d’emploi, Toulouse

Crédit photo Pexels // CC Ron Lach

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