Déborah I. 01/09/2017

Séisme à Haïti, 7 ans après j’en tremble encore

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Le 12 janvier 2010, un tremblement de terre de magnitude 7 dévastait Haïti. Ce jour-là, à 16h53, la vie de Déborah a basculé.

J’avais 13 ans le matin du 12 janvier 2010. Tout était très calme, chacun vaquait à ses activités : les enfants étaient à l’école, les jeunes à l’université, les adultes au travail, les vendeurs au marché, il y en a d’autres qui faisaient les achats pour préparer le repas.

Je suis rentrée chez moi à 13h. Mes frères, mes sœurs et mon cousin aussi. Ma mère était à l’église. Jusqu’à 16h, tout était calme.

D’un coup, tout était noir, on était dans tous les sens

16h53. Je regardais la télé dans le salon. Ma mère était assise dans la cour et nettoyait des légumes, de quoi préparer un repas pour mon père. Mon premier petit frère et mon cousin regardaient la télé dans la chambre de ma mère.

Ma grande sœur adoptive mangeait dans la cuisine. Ma petite sœur était dans la rue avec sa copine.

Mon père était dans mon ancienne école pour une réunion de prière et mon deuxième petit-frère était chez mamie.

Tante Ti Mène était en ville.

D’un coup, j’ai vu la télé s’éteindre. Il y avait de la poussière qui s’élevait dans le ciel et tout était noir. Ça tremblait, on était dans tous les sens, on avait peur. 

Je voulais sortir de là où j’étais, coincée dans le séjour, je n’y arrivais pas. J’ai appelé ma grande sœur qui est venue. Elle m’a pris la main et m’a tirée dehors. Il y avait des morts et des blessés partout.

Mon cousin et mon premier petit-frère sont montés sur le lit de ma mère.

Ma petite sœur a couru et s’est couchée sur les jambes de ma mère.

Les gens qui étaient chez mamie et qui regardaient les télénovélas se sont mis à courir et en ont oublié mon petit-frère qui avait 3 mois.

Plusieurs heures de chaos

17h. Mon père a quitté son lieu de travail pour rentrer à la maison. C’était très loin de chez nous. Il a dû partir à pied, en passant près d’une station essence qu’il a vu prendre feu. Beaucoup de gens qui faisaient leurs courses dans le « market » de cette station ont été brûlés vifs. A l’extérieur, il y avait une voiture avec une dame. Cette voiture a pris feu. La dame aussi.

Je n’arrivais pas à sortir du séjour. Ma soeur m’a pris la main et m’a tirée dehors. Il y avait des morts et des blessés partout.

De notre côté, on avait très peur parce qu’on n’avait plus de nouvelles de papi (notre père), ma mère pleurait. On ne pouvait pas passer d’appel téléphonique puisque toutes les lignes étaient coupées.

20h. C’est à ce moment qu’on s’en est souvenu que le bébé était chez mamie. Heureusement, il était encore en vie.

22h30. On a repris notre souffle quand on a vu papi rentrer ainsi que tante ti Mène.

On ne pouvait pas dormir à l’intérieur de la maison, donc on a passé 2 jours à dormir dans la rue à la belle étoile. On devait se lever à chaque fois que les gens passaient avec les blessés et les morts ou à chaque fois qu’il y avait une voiture qui montait ou qui descendait.

Jusqu’à aujourd’hui, j’ai des séquelles de ce tremblement.

Récemment, pendant qu’on mangeait ma copine et moi, à l’E2C (École de la 2e Chance) de Chelles, en région parisienne, un truc est tombé. Cela a fait tremblé la salle et j’ai failli me mettre à courir.

Haïti non plus ne s’est jamais remise de cette terrible catastrophe.

Deborah, 20 ans, stagiaire à l’École de la 2e Chance, Chelles

Crédit photo CC UNDP // Flickr

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1 réaction

  1. 7 ans après, lire les bouts de vie de gens qui ont vécu ce cauchemar est toujours douloureux, comme si cela venait d’arriver à la seconde.
    Merci pour ce témoignage
    sak pa touye’w rann ou pi fo !

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