Camille 26/10/2020

Ma semaine de 4 jours : travailler moins pour vivre mieux

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Après mon burn-out, je me suis interrogée sur l'impact de mon boulot sur ma vie perso. Depuis, je travaille moins, je gagne moins mais je me sens mieux.

Entre les transports, l’éloignement de mes terrains, le volume de travail et mes sorties le soir pour continuer à avoir une vie sociale… j’ai fatigué. Dix-huit mois après ma prise de poste. Les 35 heures se transformaient souvent en 45, et je n’arrivais pas à poser mes récup’. J’en ai parlé à mon directeur. Il m’a dit que si je n’arrivais pas à assumer toutes mes missions, c’est que je devais mal m’organiser.

Ça m’a mis un coup.

J’ai quand même continué à travailler après, pour ne pas laisser tomber mes collègues qui auraient dû reprendre mes terrains si je m’arrêtais. Pendant encore un an et demi. Sauf qu’un jour, je n’ai pas réussi à me lever. Je n’arrêtais plus de pleurer.

J’avais un poste de chargée de développement social et urbain dans une association prestataire des bailleurs sociaux en Île-de-France. Un travail de terrain, comme je le souhaitais. J’ai parcouru la région en transports en commun, trois heures par jour en moyenne, pour aller à Osny, à Trappes, aux Mureaux… à la rencontre des habitants de logements sociaux que les bailleurs me demandaient d’aller voir pour (re)créer du lien et améliorer le cadre de vie. J’étais censée faire le lien entre les habitants et les bailleurs, mais la commande partait toujours de ces derniers. Je me retrouvais souvent à servir de tampon dans des situations de crispations exacerbées. Je me sentais responsable de leurs demandes et de l’inaction qui pouvait s’en suivre. Happée par l’urgence, bouffée par la misère que je croisais.

Je me suis donc fait arrêter. Quelque chose s’était brisé. À la reprise, j’ai levé le pied mais je me sentais toujours fragilisée. Résultat : une rupture conventionnelle pour tout arrêter, tout poser, puis voir ce que je ferai.

Un rythme impossible, jusqu’au burn-out

Au début du chômage, j’ai beaucoup dormi et réfléchi.

J’avais travaillé direct après mon master, à 23 ans. J’avais de suite cherché dans l’associatif car l’administration publique ou l’entreprise privée me renvoyaient des images négatives du monde du travail : la routine posée et ronronnante, la logique de rentabilité appliquée à tout. Tandis que j’avais une représentation très positive du monde associatif : engagé, social, militant, du côté des plus démunis… En à peine six mois, j’avais un travail de terrain, comme je le souhaitais, en lien avec les habitants et la réalité du quotidien. Le bon, le difficile, le sale, le complexe… et un rythme impossible.

Ce que Camille a vécu s’appelle un burn-out. Dans le secteur associatif, ça n’arrive que trop souvent. Entre son travail associatif et ses engagements militants, Jasmine a fini par s’épuiser physiquement et mentalement : « Paye ton burn-out militant »

Avec un ami, lui aussi au chômage, on a passé du temps à interroger le travail et sa place dans nos vies, celle qu’il avait eu et celle que l’on voudrait qu’il ait. On s’est dit qu’on monterait bien un projet tous les deux. Une maison d’édition pour auto-éditer des guides de voyage basés sur des récits d’habitants. Nous sommes allés dans quatre villes de France rencontrer des personnes aux âges, situations, parcours différents et, pour chacun d’eux, nous avons créé un fascicule des réalités quotidiennes dans sa ville.

On a tout appris au fur et à mesure et nous avons créé nos guides de A à Z. Pendant deux ans, cette aventure nous a stimulés, portés, nous avons énormément appris sur nous, et cela m’a redonné confiance dans ma capacité à mener des projets, développer des idées… Même si nous n’avons pas réussi à en vivre, nous en gardons une expérience extrêmement positive.

Ça veut dire quoi « le travail » ?

Ça m’a offert une grande liberté dans mon organisation personnelle. J’ai pu m’investir dans des projets associatifs en parallèle. Et ne pas vraiment gagner d’argent avec ces guides m’a amenée à considérer différemment le travail : je mets désormais plus aisément sur le même plan investissements professionnel et personnel, rémunérateurs et non-rémunérateurs.

À la fin de mes indemnités chômage, les guides se vendaient, mais trop peu. Impossible de nous dégager un revenu, alors il a fallu que je cherche un emploi salarié, tout en continuant le projet. Par réflexe, j’ai recherché dans l’associatif. Je me suis dit que mon expérience de trois ans allait être plus facilement valorisable que cette expérience de création d’une maison d’édition.

J’étais sûre d’une chose : je voulais travailler à temps partiel pour pouvoir continuer les guides de voyage en parallèle, m’investir comme bénévole dans d’autres associations, mais aussi garder une distance avec le dit-travail.

Mon rythme de travail salarié n’excède plus 28 heures

J’ai trouvé un poste à 28 heures au pôle lien social de la régie de quartier de la Reynerie à Toulouse. Les missions ressemblaient à celles que j’avais pu avoir en région parisienne, mais le terrain était fixe. Cela m’a rassurée et m’a sûrement permis de réussir l’entretien. Je pouvais travailler quatre jours par semaine, ce qui m’a laissé du temps pour m’investir dans un projet de supermarché coopératif et le théâtre d’improvisation, découvrir la ville, faire de nouvelles connaissances…

Dans son podcast sur le travail, Louie Media interroge la semaine de quatre jours. Adapter son temps de travail en temps de crise sanitaire et sociale, une piste pour le monde d’après ?

Aujourd’hui, mon rythme de travail salarié n’excède pas 28 heures, réparti sur quatre jours. Cela me permet de subvenir financièrement à mes besoins primaires et d’avoir ce temps dit « libre ». Je l’utilise paradoxalement souvent pour travailler : un travail hors-cadre, souvent non-productif, mais loin d’être inutile et égocentré. Même s’il peut être parfois oisif, je me sens utile à la société.

Je fais le choix d’être moins payée car je travaille moins (et dans le social), mais ce choix s’accompagne d’un rythme et d’une qualité de vie qui me conviennent parfaitement. L’équilibre que j’ai trouvé dans cette organisation globale du temps m’apaise et me permet d’être créative, dans mon activité professionnelle, mon engagement militant mais aussi ma vie personnelle. Et je ne me vois pas, un jour, me salarier à nouveau à temps plein.

 

Camille, 32 ans, salariée, Toulouse

Crédit photo Unsplash // CC Bohdan Maylove

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