Ruben H. 09/12/2024

TDAH : « Je me félicite de ma particularité »

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Diagnostiqué TDAH et sous traitement médicamenteux, Ruben a traversé plusieurs phases de déprime. Aujourd'hui, il trouve de l'apaisement et se libère par l'écriture.

Je suis spécial, je l’ai toujours su. Un jour, mes parents s’en sont rendu compte, alors ils m’ont emmené voir un « médecin pour spéciaux », un psychiatre je crois. Il m’a posé des questions. Je lui ai parlé des récrés assis dans les cages à attendre la balle qui ne venait jamais ou trop vite. Je lui ai parlé des copies déchirées par la professeure qui les trouvaient trop sales. Je lui ai parlé des mots qui, souvent, se bousculent dans ma tête, rebondissent dans ma bouche mais ne sortent qu’à moitié. Je lui ai dit que je sentais toujours un poids sur moi, comme si mon âme était enfermée dans une prison de glace. À la fin, il a pris un air solennel et il m’a dit, après une grande inspiration : « Bien, c’est ce que je pensais, tu as un TDAH. »

TDAH, c’est-à-dire trouble déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité.

Ce trouble est très répandu. 3 à 5 % des enfants scolarisés sont diagnostiqués TDAH. Il est malheureusement très mal diagnostiqué, non pas que ce soit compliqué de le faire, mais il y a une incompréhension de ce trouble par le grand public. Encore aujourd’hui, l’idée que ce n’est qu’une excuse pour enfant excité est très répandue, même dans les milieux psychiatriques.

Plus « spécial »

On m’a dit de prendre un médicament miracle, qui serait la solution à tous mes problèmes. J’y ai cru et, en CM1, j’ai commencé le traitement magique. Les petites pilules blanches que je prenais tous les matins ont d’abord eu l’effet escompté. Je n’étais plus seul dans les cages, la professeure ne déchirait plus mes copies et les mots ne se bousculaient plus dans mon cerveau. Ils sortaient de ma bouche intacts. Tout se passait tellement bien que je n’étais plus « spécial ». 

J’avais l’étrange impression de ne plus être moi, d’avoir été modifié, conformé à ce que les autres voulaient que je sois. Alors je me suis mis à me comporter comme si j’avais toujours 5 ans, à l’époque où j’étais spécial. J’étais immature, faussement bête, réfléchissant toujours après mes actes en pensant que, de toute façon, on me pardonnerait. Sans m’en rendre compte, j’incarnais mon trouble comme s’il était moi, qu’il suffisait à me définir.

Être soi 

La déprime m’a frappé plus récemment. En quatrième, elle a failli m’emporter. Elle a laissé une trace indélébile, qui ressurgit parfois comme une averse. Alors, j’écris, j’écris des histoires et des chansons, mes personnages me tiennent compagnie, ils me connaissent sûrement plus que je ne les connaîtrais jamais. Lorsque j’écris, je me sens spécial. Je me sens rempli d’un don, d’un pouvoir. Sûrement de la vanité.

Aujourd’hui, je me félicite de ma particularité sans m’en vanter. J’essaie d’être moi-même et non la vision que j’ai de moi. J’essaie surtout d’aider ceux qui, comme moi, ont vécu la différence et la subissent encore. 

Je voudrais faire un appel à tous ceux qui ne comprennent plus leur corps, à tous ces chercheurs d’or à qui l’on n’a pas donné de mine, à tous ceux qui souffrent, qui meurent dans leurs yeux en restant dans leurs poumons, à tous ceux qui attendent impatiemment qu’on viennent les chercher, à tous ceux qui crient en silence à force de trop beugler tout haut, aux dérangés, aux bizarres, aux étranges, aux différents, aux anormaux, aux détonants, aux psychos, aux idiots. À tous ceux-là… sachez qu’on vous voit. 

Ruben, 15 ans, lycéen, Paris

Crédit photo Pexels // CC Tima Miroshninchenko

 

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