J’ai mis du temps avant de me définir garçon
Avant même d’affirmer quoi que ce soit à propos de moi, je me suis questionné pendant très longtemps, au moins un an. Sur qui j’étais, et comment je me sentais : fille, garçon, binaire, non-binaire… ? Contrairement à ce que certains pensent, ça ne sort pas de nulle part.
Me concernant, ça a commencé en sixième, je devais avoir 11 ou 12 ans. Cette période a été très complexe car, chaque jour, je me posais des centaines, des milliers de questions sur mon genre et mes identités. Même si le sujet est de plus en plus abordé aujourd’hui dans notre société, il reste très tabou. Et jusqu’à peu, je n’avais aucune connaissance dessus.
Le déclic, sur internet
Un jour, je suis tombé sur une vidéo qui parlait de la transidentité. Et là, j’ai eu un déclic. Je me suis dit : « C’est ça, c’est ça qui me correspond ! » Ça m’a permis de poser des mots sur qui j’étais, ce que je ressentais. Ça m’a permis de me dire que oui, je me sentais comme un garçon.
Bien sûr, j’ai dû un peu fouiller sur d’autres articles pour trouver ce qui me correspondait, car la transidentité est un sujet vaste. Il y a beaucoup d’identités de genre différentes. Certaines sont plus communes, comme la transidentité MtF ou FtM (Male to Female ou Female to Male) ou encore la non-binarité, dont on parle de plus en plus. La transidentité qui me correspond, moi, c’est FtM, puisque j’aimerais transitionner pour passer du corps d’une fille à celui d’un garçon.
La transidentité MtF, c’est l’inverse. C’est quelqu’un qui veut passer du corps d’un garçon à celui d’une fille. La non-binarité, c’est le fait de se sentir ni comme un garçon, ni comme une fille. Elle englobe elle-même plusieurs genres comme agenre, qui ne se reconnaît dans aucun genre, genderfluid, qui est le fait d’alterner entre plusieurs genres selon les moments… Il y en a encore beaucoup d’autres.
Quand je me regardais dans le miroir
C’est bien beau d’avoir trouvé ce qui me correspond, mais est-ce que c’est vraiment le cas ? Est-ce que ce n’est pas juste un caprice d’enfant qui n’accepte pas les changements de son corps ? C’est ce que j’ai pensé pendant des mois et des mois, de mon début d’année de quatrième jusqu’à la fin de celle-ci. Je n’avais personne à qui en parler, c’était aussi probablement une des choses les plus difficiles. J’étais seul, avec tout ça à l’intérieur de moi. Honnêtement, j’avais toujours été seul et, à ce moment-là, j’avais vraiment besoin de quelqu’un. Je n’en ai pas parlé, et personne n’a remarqué quoi que ce soit. La seule « personne » qui m’a aidé, c’est le temps. Il m’a fait réaliser beaucoup de choses, et m’a aidé à répondre à toutes ces questions.
Mais le temps est long, et il faut dire que toutes ces questions prennent beaucoup d’énergie. Le moment le plus dur lors de cette période, c’était la salle de bains, quand je me regardais dans le miroir.
J’essayais de me convaincre que j’étais une fille
J’avais encore beaucoup de vêtements dits féminins. Et les jours où j’étais dans le déni, je m’habillais de la manière la plus féminine possible. Je passais ma journée en jupe, en robe, en vêtements moulants, parfois avec un peu de maquillage. Je mettais aussi des barrettes dans mes cheveux que, d’ailleurs, j’essayais de faire pousser le plus possible.
En faisant tout ça, j’essayais de me convaincre que j’étais une fille. J’essayais d’être ce que la société attendait et je me disais que ça fonctionnerait… sans réel succès. Le soir, en rentrant des cours, je me languissais d’enlever tout ça et de mettre quelque chose d’autre.
Devoir prendre une douche ou un bain était angoissant. Il me fallait de longues minutes pour pouvoir me débarrasser de mes vêtements et, quand je les enlevais, tout ce qui restait, c’était le dégoût de moi-même. À l’heure actuelle, c’est une étape toujours compliquée. Quand je me regarde dans le miroir, je vois chaque chose qui me rappelle que, de naissance, je suis une fille : le visage fin, les courbes, la poitrine. Ça reflète tout ce que je déteste à propos de moi, et j’ai qu’une seule envie, dans ces moments-là, c’est de pleurer, de vomir ou de détruire, de blesser le corps que j’ai.
Un pas de plus, je m’assume
Heureusement, l’année de mes 14 ans, j’ai décidé de faire mon coming-out à mes amis. La première personne au courant a été ma meilleure amie. Par la suite, les autres m’ont tout de suite accepté, et me soutiennent encore aujourd’hui. Ils m’appellent par mon vrai prénom, Julien, ils me genrent correctement et font les accords au masculin en parlant de moi. Sans eux, je ne sais pas ce que j’aurais fait. En fait, si. Je serais probablement resté dans le silence.
En ce qui concerne la famille, seule ma mère est au courant, et ça s’est très mal passé. Elle a complètement rejeté ce que j’étais, m’a dit que j’étais un problème, et d’autres choses très blessantes. Par la suite, elle a voulu faire une thérapie familiale qui n’a évidemment rien donné. Notre relation, qui était complexe, n’a cessé de se dégrader. À ma rentrée au lycée, je me suis présenté comme je l’ai voulu à mes amis actuels.
Pour l’instant, je suis en pleine démarche pour que les papiers non officiels soient changés, et que je puisse être appelé et genré correctement au lycée. C’est assez compliqué : étant donné que je suis mineur, je dois donc avoir l’accord parental, mais le lycée fait ce qu’il faut pour que ça se passe bien.
Après des mois de lutte contre ses profs qui refusent de le genrer correctement, Tao finit par recevoir un courrier officiel qui va tout changer.
En ce qui concerne la transition médicale (hormones, chirurgie, etc.) et la transition administrative (prénom, état civil sur les documents officiels ainsi que les diplômes), je dois attendre d’être majeur car ma mère ne me soutient pas. À partir de ce moment-là, je pourrais avancer comme je le souhaite, sans contrainte.
Bon, l’argent reste un problème puisqu’en ce qui concerne la transition médicale, les traitements et opérations ont un certain prix. Mais heureusement, l’État propose des aides qui permettent de faciliter tout ça. Par exemple, les injections d’hormones sont 100 % remboursées.
Je pense que les sujets de l’identité de genre et de la sexualité devraient être abordés, que ce soit à l’école ou dans le monde en général. Même s’il y a des évolutions, même si nous commençons à avoir des droits, nous avons encore beaucoup de restrictions au niveau des lois. J’espère qu’un jour, peu importe qui nous sommes, tout le monde pourra être traité de la même façon, sans distinction.
Julien, 15 ans, lycéen, Coudekerque-Branche
Crédit photo Unsplash // CC Raphael Renter