Arnaud C. 14/06/2024

« Tu serais pas mon frère ? »

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Pendant douze ans, Arnaud n’a aucune nouvelle de sa sœur. Séparés durant l’enfance à cause des violences exercées par leur père sur leur mère, ils ont grandi l’un sans l’autre. Avant de se retrouver.

« Tu serais pas mon frère ? » Il y a quelques mois, par un jour de janvier, une fille à peine plus âgée que moi m’aborde avec cette question. Ce midi-là, je suis une formation dans un lycée hôtelier dans le cadre de mon service civique. Le midi, avec mes camarades, on décide de prendre le métro pour aller déjeuner. À la sortie du lycée, j’aperçois cette fille qui semble me regarder de travers. Je ne calcule pas plus que ça. Même mes potes remarquent son regard insistant. Ils me chambrent. Je leur dis pour rire : « Si ça se trouve, c’est ma sœur ! »

La fille s’approche et me demande mon prénom. Je lui réponds « Arnaud », sans réfléchir. Elle me donne le sien. Son prénom correspond. Elle finit par me dire : « Tu serais pas mon frère ? » Je lui réponds : « Si ! » Même si j’avais quelques doutes, je l’ai quand même reconnue physiquement.

Séparé de sa sœur à 4 ans

Ma sœur et moi avons été séparés l’un de l’autre très tôt. J’avais 4 ans. Elle, 5. Nous n’avions aucun contact ni aucun moyen de se voir. Cette séparation a duré douze longues années. Nous avons donc passé tout ce temps sans pouvoir prendre de nouvelles de l’autre et sans pouvoir se voir, alors que nous étions très fusionnels et super proches. Cela a provoqué de gros bouleversements dans nos vies respectives.

Cette séparation a pour cause les violences conjugales que mon père faisait subir à ma mère. Ma sœur a dû être placée en famille d’accueil pour sa sécurité, et moi je suis resté avec ma mère. Lors des premières années de son placement, nous avons pu nous voir assez régulièrement. Puis, avec le temps et la distance, les visites se sont arrêtées.

Un grand vide… jusqu’aux retrouvailles

Les premières années ont été difficiles : je ressentais un vide, un manque. Ne pas savoir comment elle allait me mettait mal. Je me demandais constamment pourquoi moi je pouvais vivre avec ma mère et pas ma sœur. Avec les années, pour moins souffrir, j’ai commencé à arrêter de me poser des questions, mais j’y pensais toujours dans un coin de ma tête.

Heureusement, nous nous sommes retrouvés. Ce jour-là, elle était très émue, elle avait les larmes aux yeux. Nous avons pris un moment pour discuter et échanger au sujet de nos vies pour savoir comment l’autre avait évolué de son côté. Je l’ai ensuite accompagnée jusqu’à son train et nous nous sommes pris dans les bras avant qu’elle ne rentre chez elle. Quel choc émotionnel ! Et quelle joie de pouvoir la revoir et la reprendre dans mes bras après toutes ces années. Grâce à ces retrouvailles, nous avons repris contact et nous parlons ensemble régulièrement. Nous nous voyons assez souvent aussi et cela nous fait beaucoup de bien.

Arnaud, 16 ans, en service civique, Roubaix

Crédit photo Unsplash // CC Annie Spratt

 

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Enfant placée, Marie vit dans une Maison d’enfants à caractère social et a peu de contact avec sa mère. C’est là qu’elle a tissé des liens « plus forts que ceux du sang » avec sa grande sœur de cœur. C’est là aussi qu’elle prend soin des plus jeunes.

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