Un mineur de 17 ans face à la lenteur de la justice

Un matin, je dors tout seul chez moi. Ma mère et ma sœur sont chez de la famille. Je me réveille d’un coup et là, je vois ma chambre remplie de flics, dont un qui est déjà sur mon lit en train de me menotter dans mon sommeil. Ils ont défoncé ma porte d’entrée au bélier. Je n’avais rien entendu. J’étais rentré tard d’une soirée. 

Je me lève, le policier finit de me menotter et l’OPJ (officier de police judiciaire) me dit que je suis placé 24 heures en garde à vue (GAV), mais que c’est prolongeable. Ils font la perquisition dans tout l’appartement, cassent la porte d’une chambre fermée à clef et j’en passe. Je leur dis que je suis mineur et qu’ils n’ont pas le droit de faire une perquisition sans mes parents ou sans une personne majeure présente en tant que témoin. Ils vont donc sonner chez les voisines et en ramènent deux en tant que témoins. Elles me demandent ce que j’ai fait. Je leur réponds : « Je n’ai rien fait. » Et là, l’OPJ me pousse sur le canapé et me dit : « Arrête de mentir si tu veux pas qu’on te casse les dents, p’tite merde ! »

« Je n’ai pas été traité comme un Blanc »

Ils me mettent dans le camion pour m’emmener en GAV. Je pensais que j’allais à Villeparisis ou à Chelles, les commissariats les plus proches de chez moi. Mais depuis la fenêtre de la voiture de police, je vois qu’ils prennent la nationale, en direction de Paris. Une fois devant le commissariat – au 36 quai des Orfèvres – je leur demande pourquoi je suis là. Ils ne veulent toujours pas me le dire. Je m’énerve. Ils me poussent du siège pour que je tombe de la voiture.

La manière de faire de certains policiers est abusée. Pour moi, leur comportement change en fonction de la personne qu’ils ont en face d’eux. Ils n’agissent pas de la même façon avec un groupe de Noirs et d’Arabes qu’avec un groupe de Blancs. En tant que Noir, je n’ai pas été traité comme un Blanc. Je me suis fait pété pour livraison de drogues. Je n’ai tué personne. Après 96 heures de GAV, ma mère est venue me chercher. Ils ont fait exprès de la faire venir à 22 heures, alors qu’on habite dans le 77 (Seine-et-Marne). Ma mère était grave mal de venir chercher son fils au commissariat. D’habitude, elle m’engueule. Là, elle n’avait pas la force.

Un jugement presque un an plus tard

J’avais une date de jugement de prévue mais, deux jours seulement avant le procès, on a appelé ma mère pour la prévenir que le jugement était reporté. J’avais tout préparé. Je me suis occupé de tout. J’avais même trouvé un avocat, recommandé par un ami. Je ne voulais pas prendre le commis d’office parce qu’il était nul. Il faut savoir que le commis d’office, on ne le voit que cinq minutes avant la déposition. Il n’a pas le temps de préparer quoi que ce soit. 

À la place du procès, ils m’ont mis une protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Quelques jours après, ils ont rappelé pour dire que j’avais une mesure éducative. En gros, une fois par semaine, t’as des rendez-vous avec une psychologue. Tu dois lui parler. Elle veut savoir toute ta vie. Ça a duré six mois. J’ai trouvé ça chiant et trop long, franchement. Surtout que la psy est à deux heures de transports de chez moi. 

« Un poids au-dessus de ma tête »

Bien sûr, c’est mieux d’avoir une mesure PJJ que d’aller en prison, mais ce qui est dérangeant c’est que même après six mois, ça n’est pas fini. Je dois aussi voir une éducatrice. À la fin de la mesure : soit je suis placé en foyer, soit chez mon père ou en prison. Ça met la pression. Pendant un an, tu vis dans le stress. Ce n’est pas normal de faire une GAV en septembre et de se faire juger presque un an après. 

Je trouve ça abusé que les peines soient prononcées autant de temps après les faits. J’ai un pote, il a 24 ans et il a pris neuf mois de bracelet électronique pour un délit qu’il a commis quand il avait 18 ans, alors que maintenant, il a des enfants, un travail ! Pour moi, tu devrais passer devant la justice rapidement : tu fais un truc, t’es jugé sur le coup. Ça peut gâcher la vie de certains. J’ai l’impression que tout ce processus est trop long. J’ai toujours une affaire en cours. Un poids qui pèse au-dessus de ma tête. Si je fais le moindre truc, si je me fais arrêter avec un seul joint, c’est mort pour moi. 

David, 17 ans, volontaire en service civique, Stains

Crédit photo Hans Lucas // © JC Milhet – Un avocat échange avec son client menotté avant qu’il ne comparaisse devant le juge au Palais de Justice de Perpignan, le 28 février 2024.

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