Une famille, un pâté de maisons
Cinq chambres, une cuisine, un salon, un petit jardin et une grande cour dans laquelle toutes les voitures se garent. Une grande maison pour certains, mais petite pour nous. Mes grands-parents, mon tonton, ma tata, mon papa, ma maman, mes cousins, mes sœurs et moi. Nous étions seize dedans, et maintenant onze. Une famille de cinq composée de mon oncle, ma tante et leurs trois enfants ont déménagé dans une ville voisine.
Mes grands-parents paternels sont les fondateurs de cette maison. Sur un grand territoire vide, mon grand-père et son frère ont construit deux maisons, collées l’une à l’autre. Mon grand-père a pris l’une, son frère l’autre. Leur but était de fonder leur famille et celles des générations suivantes de façon plus simple. C’était dans les années 2000, quand mon père avait 16 ans. Depuis, on vit tous ici. Et c’est le point de regroupement du reste de la famille.
On dirait une maison que les enfants dessinent en maternelle. Un rectangle beige clair, assez simple. La cour est magnifique, surtout au printemps et en été. Il y a des arbres de figues et de coings. Des raisins et de la menthe sur les côtés. Des fleurs de tous types et de couleurs variées dans des pots. Un vieux puits qu’on n’a jamais enlevé et un petit endroit où se poser pour manger et boire du thé. L’intérieur, c’est un autre monde. Un style assez vieillot avec des meubles marron, de la dentelle en guise de rideaux et un tapis oriental.
De l’entraide et des rires
Mon grand-père est arrivé seul en France pour le travail il y a vraiment longtemps. Avant les années 2000, ça c’est sûr ! Il ne connaissait rien. Ni la culture ni la langue. Il a fondé sa famille et il a réussi. Il a ramené son frère, puis construit cette maison. Mon grand-père est maçon. Mes oncles travaillent aussi dans le bâtiment. D’autres maisons ont ensuite été construites ou achetées par ma famille aux alentours. Il doit y en avoir trois ou quatre. Ça nous a permis de rester proches.
Il y a plusieurs avantages à vivre nombreux. Il y a le partage et l’entraide. S’il nous manque quelque chose, on a juste à appeler ou à toquer chez quelqu’un d’autre. Quand on était seize, on faisait des courses communes. Tous les enfants étaient dans la même école. Pour nous chercher, c’était l’adulte disponible qui y allait. Ma grand-mère, mon père… Arrivée en sixième, j’allais chercher les plus jeunes quand je pouvais. Il y a aussi toujours une personne chez moi, et donc toujours quelqu’un pour t’ouvrir la porte.
Il y a de l’ambiance. C’est convivial. Tu n’as pas le temps de t’ennuyer. Surtout avec mes cousins. Ceux avec qui je vis, et ceux qui viennent pour les événements importants. Dans la première maison, celle où je vis, il y a tous mes souvenirs avec eux. Un jour d’été, toute ma famille était regroupée. Nous étions 36 à partager un grand repas à l’extérieur. Les mamans avaient préparé des plats traditionnels. Les trois tables disposées en ligne débordaient de nourriture. Les adultes discutaient d’un côté et les enfants jouaient de l’autre. On vagabondait de maison en maison, de salle en salle pour jouer. On se cachait sous les voitures, sous les tables, à l’intérieur des camions, derrière l’escalier d’un bureau… Il y avait des cris de joie et des ricanements de partout.
Révisions sous tension
Malheureusement, il y a aussi des désavantages. Être trop nombreux, c’est comme être moins libre. Si tu veux être seule un moment, ce n’est pas vraiment possible. Il y a toujours quelqu’un dans une des salles. Il peut aussi y avoir trop de bruit, ça me dérange quelquefois pour réviser, travailler ou juste même me reposer. Dans ma chambre, on est trois. Quand je veux réviser pour un contrôle important, c’est compliqué, je n’entends que des : « Ferme la lumière » ; « Parle moins fort » ; « Révise ailleurs » ; « Je n’arrive pas à réviser avec toi. » J’ai l’habitude de travailler tard le soir dans la cuisine, mais même là-bas se trouve une personne.
Aujourd’hui, la maison est toujours le point de regroupement de la famille, mais tout le monde s’est peu à peu éloigné. Les relations ont changé. Notamment entre cousins. On ne se parle plus vraiment, on ne joue plus. Tout le monde est sur son téléphone.
Célène, 18 ans, lycéenne, Val-d’Oise
Crédit photo Pexels // CC Yaroslav Shuraev
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Jeune fille au père, par Salsabil, 21 ans. Depuis le divorce de ses parents quand elle avait 6 ans, la jeune fille voulait vivre en France avec son père. Après 18 ans avec sa mère en Tunisie, son rêve s’est réalisé. Elle se sent très épanouie dans sa nouvelle famille recomposée, aimante et multilingue.