Coralie A. 03/06/2022

Violences gynécologiques : « On part du principe que vous êtes consentante »

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Dans le cadre d’un examen médical pour une PMA, Coralie a subi des violences gynécologiques de la part de plusieurs médecins. Elle s’adresse à eux.

 Lunéville, le 12 mai 2022

Objet : Témoignage de violences gynécologiques subies lors de mon hystérosalpingographie

Bonjour,

Je vous adresse cette lettre pour vous partager mon expérience vécue à la clinique hier au service de radiologie, pour une salpingographie. C’est un examen qui sert à vérifier que les trompes de Fallope ne sont pas obturées et que le sperme peut passer de l’utérus aux trompes. Un examen systématique dans le cadre de la procréation médicalement assistée (PMA).

Un bref bonjour, et pas un regard

Pour l’examen, je rentre dans la salle de radio, sans rien en bas. Il y a une radiologue et une interne. L’interne essaie de placer le spéculum mais n’y arrive pas. Elle cherche, elle trifouille, tourne dans tous les sens. Elle appuie. Et elle l’enlève, le renfonce. Je lui dis que je commence à avoir mal. Elle ne dit rien. J’ai déjà posé des spéculums et trouvé mon col avec succès, j’essaie de lui dire mais elle n’écoute pas.

Comme j’ai mal et commence à me sentir irritée dans cette zone, je cherche à prendre le spéculum pour bien le poser et que ce soit enfin fini. Elle me dit d’enlever mes mains, de ne pas toucher mon propre corps. Finalement, elle avoue ne pas y arriver et appelle un médecin. Une troisième personne entre dans la salle où je suis nue, les jambes écartées. Sans se présenter, avec un bref bonjour et sans échanger un regard avec moi, il se place devant mon entrejambe béante.

En 2014 sur Twitter, de nombreuses femmes ont partagé sur le hastag #PayeTonUterus les réflexions, comportements et agressions qu’elles ont subi dans les cabinets médicaux.

Il rentre le spéculum en moi comme si j’étais une machine trouée. Et il l’enfonce, il cherche, il pousse, il tourne, il trifouille. Il me dit qu’il ne trouve pas et va devoir me faire un toucher vaginal et, sans attendre mon consentement ou une quelconque réaction de ma part, il enfonce son doigt ganté en moi d’un seul coup, sans lubrifiant.

40 minutes sans interruption

Il appuie sur mon ventre. Je suis trop sidérée pour protester. Il semble trouver mon col de l’utérus. Remet le spéculum mais ne trouve pas le col. Il demande un gros spéculum en métal et l’enfonce après que je lui ai demandé de bien mettre du lubrifiant. Il met du lubrifiant dessus mais c’est un liquide et pas un gel qui s’écoule, et n’a pas l’air de lubrifier grand-chose. Le spéculum en métal est large comme mon pouce, j’estime 7 cm. J’ai mal. Je lui dis que c’est trop large, que j’ai mal. Mais il cherche, il dit qu’il doit trouver le col. Finalement, après avoir trifouillé à quatre mains dans mon vagin pendant plus de 40 minutes sans interruption, il dit qu’il va appeler une gynécologue.

Et les larmes me montent aux yeux. J’ai envie de vomir. En fait, c’est qui ce type qui vient de rentrer un doigt dans mon vagin sans me demander, et qui n’arrive pas à poser un spéculum ?

Je refoule mon envie de pleurer depuis quelques temps désormais. J’oscille entre l’envie d’arrêter et l’envie de ne pas avoir vécu tout ça jusqu’ici pour rien. La gynécologue qui entre est une femme. Elle a l’air sympa. Elle me parle gentiment, m’explique ce qu’elle va faire, me pose le petit spéculum en plastique et à l’aide d’une pince, trouve mon col en quelques minutes. Ensuite, elle met le cathéter directement et injecte le produit. Je ressens le produit et une légère douleur engourdissante qui me donne envie de vomir et la tête qui tourne. L’examen est fini.

« Il fallait qu’on avance »

En sortant de la maternité, je fonds en larmes. Est-ce que c’est normal ce que j’ai vécu ? Est-ce que c’est un viol ? Et est-ce que je dois porter plainte ?

Quelques kilomètres plus loin, j’appelle la clinique pour avoir les noms des personnes présentes, au cas où. Le standard refuse et me passe directement le docteur qui m’a fait tant souffrir. Je prends des notes pendant que je suis au téléphone avec lui :

– Pourquoi avez-vous mis un doigt en moi sans me demander ? 

– On était en échec, il fallait bien qu’on trouve votre col. Sur une anatomie normale, c’est facile. Vous avez une anatomie qui n’est pas tout à fait normale. J’ai pas attendu votre permission c’est sûr. Mais bon il fallait qu’on avance. On était obligés d’y passer. Le toucher était obligatoire. Je ne peux pas vous donner les noms des autres personnes sans leur consentement*. Je ne vais pas vous dire que c’est normal (de vous mettre un doigt sans prévenir) mais ce n’est pas non plus anormal. Et puis vous avez un résultat positif (au test) donc c’est bien. Vous pouvez continuer vos démarches PMA comme ça.

On part du principe que vous êtes consentante à tout ce qu’on va vous faire. Vous êtes venue pour un examen gynéco, pas pour vous faire couper les cheveux. On est dans l’action et on part du principe que vous êtes ok. Je peux juste m’excuser. 

Trois jours après l’examen, je saignais encore. Je n’ai pas fait constater les blessures juste après, donc je ne vais peut-être pas avoir de résultats si je porte plainte. Et je n’ai pas porté plainte tout de suite parce que je n’avais pas la force de m’exposer à plus de violences.

Qui êtes-vous pour me toucher sans me demander ?

Encore sous le choc de cette intervention, je pleure à chaque fois que je dois la raconter. Seule, je reste avec mes réflexions et mes questions sans réponses face à cette institution intouchable qu’est le corps médical.

Dans sa courte expérience hétérosexuelle, par trois fois le consentement d’Apolline a été piétiné par des hommes et leurs violences : d’abord un baiser forcé, puis une main baladeuse, et enfin… un viol.

Photo d'une rue remplie de manifestants qui brandissent des pancartes et chantent contre les violences faites aux femmes.

Je connais mon corps mieux que vous tous, même si vous êtes médecin. Alors pourquoi me parlez-vous comme si vous saviez mieux ? Pourquoi ne commencez-vous pas par ME poser des questions au lieu de débattre entre vous autour de mon corps nu comme si je n’existais pas ? Qui êtes-vous pour toucher ma vulve sans me demander avant ? Pour me pénétrer de votre corps sans avoir mon consentement ?

Qui êtes-vous, radiologues, pour pratiquer une intervention gynécologique ? Pour oser penser que vous êtes capables de poser un spéculum ? Pourquoi ne pas admettre quand vous n’y arrivez pas et laisser des personnes compétentes le faire au lieu de vous surestimer ? Est-ce pour garder la face, au détriment du bien-être d’une patiente ?

Qui êtes-vous, docteur, pour me dire que mon corps n’est pas normal ?

Pourquoi les médecins ne sont-ils pas mieux formés à traiter les patientes comme des êtres vivants ? Pourquoi les vieux médecins ne sont-ils radiés si inaptes ou involontaires à pratiquer une médecine qui ne considère pas les femmes comme des objets ?

Je suis révoltée et en rage d’avoir subi ceci. Mais surtout je veux faire tout ce qui est en mon pouvoir pour éviter que d’autres femmes subissent les mêmes violences. Ceci est l’objet de cette lettre qui, j’espère, aura retenu votre attention jusqu’au bout.

Cordialement,

*Pour ce docteur, mettre un doigt dans le vagin d’une femme sans lui demander c’est ok, mais communiquer le nom des personnels de santé à une patiente est impossible sans leur consentement.

Coralie Armbruster, 32 ans, indépendante, Lunéville

Crédit photo Unsplash // CC Ben Iwara

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1 réaction

  1. Je suis médecin et je suis écœurée de voir comment agissent certains collègues !
    Vous avez raison, ce n’est pas normal !

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