À mon tour de parler et de jouer
Les garçons monopolisaient la parole et coupaient constamment les filles lorsqu’elles essayaient d’exprimer leurs opinions. En cinquième, lors d’un débat en cours d’anglais sur la fête nationale de l’Australie, j’ai constaté que les idées et les arguments des filles étaient souvent sous-estimés ou ignorés. Les garçons, eux, étaient écoutés attentivement et leurs contributions étaient souvent saluées ou reconnues par le reste de la classe.
Au collège, il y avait une différence dans le traitement des filles et des garçons. Certains professeurs interagissaient différemment avec nous. Les garçons étaient souvent encouragés à participer aux débats, alors que les filles étaient parfois ignorées ou leurs réponses étaient minimisées. Cela a créé un climat dans lequel les garçons semblaient être davantage valorisés sur le plan intellectuel que les filles. En tant qu’étudiante engagée et passionnée par les débats, je m’attendais à un environnement équitable et respectueux dans lequel chaque voix serait entendue et appréciée !
Mutique et main baissée
Après l’épisode du débat d’anglais, nous nous sommes concertées entre filles pour faire une mise au point, pour faire part de notre ressenti. Les autres s’étaient aussi senties sous-estimées. À la fin de cette discussion, nous avons tranché : il fallait faire table rase et ne plus en parler pour ne pas rendre les choses plus difficiles. J’ai des regrets par rapport à ça quelquefois : je pense que j’aurais dû tenir tête et en parler.
Cette expérience m’a profondément attristée et a eu des répercussions sur ma confiance en moi. Je n’osais plus interagir pendant les cours d’anglais, je ne partageais plus mes idées, je ne levais plus la main et ne posais plus de questions. Mon professeur ne m’a jamais fait de remarques à propos de la diminution de mon taux de participation.
Il laissait les garçons nous insulter
Il y a eu un épisode similaire dans mon cours de sport, en quatrième. À nouveau, le professeur semblait favoriser les garçons, leur donnant plus d’attention et de responsabilité.
Les filles étaient toujours au second plan et avec des rôles plus passifs. Lors de la constitution des équipes pendant les cours de sport, les garçons étaient souvent choisis en premier, même si certaines filles avaient des compétences sportives supérieures. Les personnes qui voulaient être chef d’équipe étaient des garçons et, comme à leur habitude, ils préféraient choisir d’autres garçons. Quand il n’y en avait plus, ils nous choisissaient enfin. Sans grande surprise, ils choisissaient les filles par affinité : d’abord les filles les plus belles et avec qui ils s’entendaient bien, puis celles qu’ils trouvaient moins attirantes physiquement. Ils avaient aussi des postes clés pendant les cours de basket et de foot.
Certains garçons faisaient preuve de condescendance envers les filles, sans oublier plusieurs remarques sexistes et misogynes (la cerise sur le gâteau quoi), du genre : « La place de la femme est à la cuisine » ; « Ferme-là, t’es une femme » ; « De toute façon, vous êtes bonnes à rien. » Le professeur faisait la sourde oreille.
Les cours étaient donc lassants, surtout pour les filles bien évidemment. J’ai fini l’année avec 14 de moyenne en sport, et bien sûr zéro bonne appréciation de la part de mon fameux professeur de sport.
La découverte du féminisme
Entre-temps, je me suis mise à la lecture et j’avais plutôt un faible pour les livres féministes (que j’ai toujours d’ailleurs !). J’ai lu plusieurs livres : Nous sommes tous des féministes de Chimamanda Ngozi Adichie, King Kong Théorie de Virginie Despentes, Les Impatientes de Djaïli Amadou Amal, ou encore Une chambre à soi de Virginia Woolf. C’est grâce à une copine du collège, elle m’avait conseillé ces livres après que je lui ai avoué m’intéresser aux féministes depuis mon plus jeune âge. Le problème était que mes proches ne semblaient pas adhérer à cette idéologie et me disaient de m’intéresser à d’autres choses.
J’ai particulièrement aimé le fait que ces livres explorent les conséquences du sexisme et des traditions patriarcales sur la vie des femmes, y compris dans le contexte de l’éducation. Alors, après plusieurs moments de réflexion et de déni, j’ai enfin réalisé que la scène du débat d’anglais n’était pas normale : personne ne devrait se sentir diminué ou dévalorisé à cause de son genre. Pour moi, il est désormais essentiel de reconnaître et de combattre activement le sexisme dans les écoles afin de créer un environnement éducatif inclusif et égalitaire pour tous les élèves.
Priyah, 15 ans, lycéenne, Neuilly-sur-Marne