À nous de choisir nos tenues !

Je pratique la gym artistique depuis 14 ans. C’est ma passion. Depuis un an, je suis dans le groupe de compétition. Je veux aller loin. J’adore ce sport mais il y a un gros problème : les tenues ne me conviennent pas. Nous effectuons des mouvements qui demandent souplesse, agilité et équilibre, mais aussi une « bonne » tenue.

Visualisez-vous la tenue de gym ? Un justaucorps, très près du corps, qui dessine la silhouette, ne laissant aucune marge à l’imagination. On a la poitrine comprimée, le ventre et l’entrejambe serrés. Avec ou sans manche, mais souvent beaucoup de paillettes, le tout exposé aux regards de tous. Pourquoi nous imposer cela ? Pour une simple raison de sécurité paraît il, eh oui, on évite ainsi de coincer un bout de tissu sur la poutre ; on peut exécuter un salto sans gêne ; on effectue un grand écart sans entrave. Alors oui, c’est vrai, le justaucorps évite les accidents. Cependant, cette tenue laissant tout deviner, certaines gymnastes perdent leurs moyens et se sentent scrutées de la tête au pied.

Ce sport est-il bien réfléchi ?

Imaginez-vous dans un justaucorps aussi serré pendant deux longues heures, c’est l’enfer ! Ceux des compétitions sont très désagréables, mais aussi beaucoup trop dénudés, surtout quand on grandit et qu’on prend du poids au niveau des hanches. Certains sont tellement échancrés qu’on pourrait croire à un string.

On est de moins en moins à l’aise dedans, et quand on fait des sauts c’est encore pire car cela expose notre corps à la vue de tous, parfois devant des centaines de personnes.

Moi-même j’ai eu des moments gênants : quand mon justaucorps est remonté trop haut pendant une compète départementale, et ce devant des centaines de personnes. Ce qui me révolte le plus, c’est que nous n’avons pas le droit de mettre un legging en bas, ni même un short. Pourquoi ? Aucune raison valable selon moi.

Nous devons aussi nous épiler tous les jours. Sous les bras, le maillot, rien ne doit dépasser.  Je m’exécute.

Besoin de liberté

Un jour, certaines filles ont bravé l’interdiction ; puis ont été sanctionnées et/ou pénalisées au niveau de leurs notes en fin de compétition. Il existe des justaucorps qui couvrent tout, mais on n’a pas le droit de les porter. Elles les ont portées, et voilà ce qui est arrivé.

Je trouve ça vraiment dommage d’avoir une mauvaise note sous prétexte qu’on ne s’assume pas et qu’on a des complexes, ce qui est normal à l’adolescence, je trouve ça très injuste de la part de la Fédération française de gymnastique (FFG).

Des copines n’ont tellement pas apprécié le fait d’être obligées de se montrer dénudées qu’elles se sont désinscrites, en plein milieu d’année. Elles étaient pourtant douées et ne voulaient pas arrêter ce sport.

Je pense qu’on devrait voter une loi qui autorise les filles de plus de 10 ans – qui sont les plus touchées par cette polémique – à mettre la tenue qu’elles souhaitent, sans être contraintes de montrer absolument tout leur corps alors qu’elles ne le veulent pas. Je souhaite que les tenues soient beaucoup mieux réfléchies, soient plus légères et confortables pour travailler les parties du corps les plus sollicitées, et aussi plus esthétiques, pour briller sur les agrès. Mais comme ce sont des hommes qui votent les lois, je doute que ça arrive.

La vérité est sexiste

Il y a aussi le regard des hommes sur les (jeunes) filles qui me dérange. La plupart du temps, j’ai le sentiment d’avoir ce regard sur nous. Si on réfléchit bien, ce sont des hommes qui ont imposé ces tenues aux filles. Nos profs sont majoritairement masculins. Dans cette société on est considéré comme une distraction, alors que les hommes gymnastes ont une tenue qui couvre tout.

Si certains tombent sur ce texte, je pense que je me fais frapper. Même ma mère est contre le fait que je me montre autant devant des hommes. Elle a essayé de m’inscrire à d’autres sports : hand, basket, foot… mais la gym, c’est le seul sport qui me fait me sentir bien, après mes longues journées de labeur.

Alors je ne me rebelle pas, car je sais que je risque d’être bannie de toute compétition. Je suis ambitieuse, je veux passer des concours mondiaux. Et pour ça, je dois me plier aux règles.

Ikram, 16 ans, lycéenne, Marseille