De l’Afghanistan à la France : j’ai eu du mal à m’intégrer
J’ai quitté mon pays tout seul à cause de la guerre. On est passé par l’Iran, la Turquie, la Grèce, l’Autriche et enfin la Suède. Avant, je ne parlais ni anglais ni suédois. Ma famille est restée sur place, ils n’ont pas pu venir avec moi, parce que mon frère et ma sœur étaient trop petits. Fin 2018, je suis parti de la Suède pour intégrer la France, parce que Ashraf Ghani, le président afghan est venu pour renvoyer les demandeurs d’asile chez eux. C’est pour ça que je ne pouvais pas vivre en Europe du Nord.
Mais, je ne pouvais pas retourner chez moi en Afghanistan, il y a des violences. Je ne pouvais pas étudier dans mon pays, puisque les talibans avaient fermé les écoles. Si quelqu’un était vu en train d’aller à l’école, il pouvait se faire tuer. À l’école, on a changé mon nom et mon adresse, au cas où, pour que les talibans ne puissent pas me retrouver. C’est pour cette raison que j’ai décidé de venir m’intégrer en France.
Quitter à contrecœur ma terre d’accueil
Deux semaines après mon arrivée en Suède, j’étais dans une famille d’accueil. Ils m’ont beaucoup aidé et ils étaient très sympas avec moi. Ils me considéraient comme un fils : ils prenaient soin de moi et m’aidaient beaucoup avec l’école, surtout quand je ne comprenais pas. Mes amis et ma famille en Suède me manquent.
Là-bas, j’allais toujours à l’école, j’étais heureux avec mes amis suédois et afghans. On a fait beaucoup de choses comme étudier, discuter, rigoler, jouer et manger ensemble. Pendant le week-end on faisait du sport, on sortait, on pique-niquait et on faisait la fête. Quand je suis arrivé en France, je ne me suis pas senti accueilli, parce que je ne connaissais personne et qu’on ne m’aidait pas. Personne ne parlait avec moi, personne ne me répondait. Pendant quatre mois, j’étais déprimé. Je me disais que j’avais fait tout ça pour rien. C’était difficile de s’intégrer.
La barrière de la langue
Je parle dari [forme de persan parlé principalement en Afghanistan. ndlr], un peu anglais et suédois. Je ne connaissais pas du tout le français, pour apprendre la langue j’ai étudié à l’école Thot, c’était très difficile. L’école est très loin de chez moi et je ne connaissais pas les transports, au début.
En Suède, il y a un meilleur mode de vie : les transports, l’école, l’hôpital et les activités sportives sont gratuits. À mon arrivée, j’avais 16 ans et j’ai été beaucoup plus accompagné par ma famille d’accueil. C’est pour ça que je me sentais plus intégré.
À l’inverse, en France, je ne connaissais personne, j’étais dans un hôtel avec d’autres jeunes Afghans, mais on ne se parlait pas. Quand t’es jeune, c’est facile de se faire des amis, mais à 20 ans c’est plus dur. J’ai eu beaucoup de mal à rencontrer de nouvelles personnes, les Français ne parlent pas d’autres langues. Je n’arrivais pas à m’intégrer.
Par exemple, un jour, j’étais chez mon assistante sociale et j’avais besoin d’aide, mais je ne maîtrisais pas le français. Quand je lui ai demandé de l’aide en anglais, elle m’a dit qu’elle ne comprenait pas et que je devais m’exprimer en français. J’ai trouvé ça méchant, moi je fais des efforts, je parle plusieurs langues.
Aujourd’hui, je me sens mieux en France
Depuis mon arrivée en France, ça va beaucoup mieux. Je suis en service civique grâce à l’école Thot, je parle mieux et je connais des gens. Au début, j’avais peur que les gens sur place ne soient pas sympas avec moi. Mais, quand je suis arrivé, tout le monde était très gentil, on m’a aidé et j’ai appris beaucoup de choses.
Aujourd’hui, je me sens mieux en France, je vais pouvoir trouver un travail. Je voulais être policier, mais il faut être français. Je vais essayer de travailler dans les hôpitaux pour rencontrer des gens. Je veux continuer à étudier et après, j’ai besoin de réfléchir pour trouver un travail.
Je voudrais retourner en Afghanistan un jour, mais pas maintenant et je ne sais pas quand. Je veux faire venir ma famille en France si c’est possible.
Ali, 22 ans, en service civique, Saint-Germain-en-Laye