Alma C. 17/10/2022

Agressée, je dois déménager pour qu’on m’accepte ?

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Depuis l'adolescence, Alma a subi plusieurs violences sexistes et sexuelles, sous prétexte de sa façon de s'habiller. À 20 ans, elle a été violée.

Depuis petite, je subis beaucoup de harcèlement et d’agressions à cause de mon physique et de ma manière de m’habiller.

À 14 ans, j’ai subi une agression dans les couloirs du collège : on m’a mise au sol, on m’a frappée, puis touché les parties intimes. Puis, on m’a convoquée pour porter plainte. Ma mère n’a pas voulu. Elle disait que c’était moi le problème, que je l’avais cherché, que si j’avais été discrète je n’aurais jamais eu tout ça.

À 16 ans, on m’a touchée dans le tramway. Par réflexe, je l’ai baffé en retour et il me l’a rendue. J’étais tétanisée. Il était tard et j’avais pris le dernier tram. Il n’y avait que des hommes donc personne ne nous a séparés. Au contraire, j’ai eu des remarques sur ma tenue. Sur le fait que mon pantalon aurait été « trop moulant », que je ne devais pas me plaindre car il ne m’avait pas violée… On m’a prise pour une pute.

« Si on te viole, va pas porter plainte »

À 19 ans, je me suis disputée avec une maman dans le bus car, pour elle, j’étais « l’enfant du diable » et ma tenue était « trop sexy ». J’ai une tête d’arabe, donc automatiquement je suis censée être musulmane. Elle me disait : « Si on te viole, va pas porter plainte » « T’es musulmane, t’es une pute, t’as pas honte », etc. Pour elle, je devais me respecter donc me couvrir. J’étais en jean basket et crop top et mes tétons percés dérangeaient. Deux hommes musulmans ont réagi et m’ont défendue : « Elle est libre. Elle est habillée normalement. Si t’es pas contente retourne au bled… La France est un pays ouvert et laïc. »

À mes 20 ans, je travaillais dans un centre sportif et j’ai dû arrêter à cause de mes collègues. Leurs propos étaient trop déplacés et j’étais comme un objet sexuel. On me mettait des mains, ils me disaient : « Putain, je te fais du sale tu vas kiffer » ; « Passe sous le bureau stp », etc.

Les policiers n’ont pas voulu de ma plainte

À mes 20 ans aussi, je me suis fait violer par un tatoueur sur Paris. Je l’avais contacté sur Instagram. Comme il était nouveau, il tatouait chez lui. Au début, il me donne une fausse adresse, je trouve ça bizarre. Il avait prévu son coup. Il est venu me récupérer en voiture, il s’est excusé pour la mauvaise adresse. Il me tatoue, tout se passe bien. Après, je lui parle de mon projet d’un nouveau tatouage sur la cuisse. J’enlève mon pantalon et il me met le modèle sur la cuisse… Je devais rentrer, donc il m’a nettoyé. Là, tout s’est compliqué.

Il m’a frappée, il a enlevé son pantalon et sorti son pénis. Il y a eu pénétration. Je me suis débattue et j’ai réussi à partir. Je suis allée voir une amie à moi, j’étais en pleurs et je ne savais pas quoi faire. Je n’avais pas son adresse, ni son prénom, je n’avais que son Instagram. J’ai essayé de porter plainte. Je suis partie dans deux commissariats et personne n’a voulu m’entendre. Comme on ne peut pas porter plainte contre X, ils ne voulaient pas faire d’enquête. On m’a dit : « Ça va passer ce n’est pas grave. »

Partir pour vivre libre

À mes 21 ans, j’ai décidé de partir de cette ville donc j’ai déménagé dans le 15e, à Paris. J’ai travaillé pendant un an à McDo et la nuit je travaillais dans un bar. J’avais une amie, son père loue des appartements sur Paris. Il m’a loué un appartement 900 euros le mois. C’était une nouvelle vie. Les gens étaient beaucoup plus matures et plus « ouverts d’esprit ». Le problème est que la vie là-bas est beaucoup trop chère. Donc sept mois après, je suis retournée chez ma mère.

Je ne lui ai jamais raconté tout ça : les raisons pour lesquelles j’étais partie, que j’étais malheureuse, que j’avais des pensées suicidaires. Je sais qu’elle ne m’aurait pas aidée, ni comprise, car ma mère a la mentalité du bled.

Alma, 22 ans, en recherche d’emploi, Paris

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