À faire la fête, j’ai normalisé l’excès
J’ai profité de la vie et de la fête longtemps, j’aimais boire un coup entre amis. J’ai pris de mauvaises habitudes concernant les excès, et je faisais la fête toute la semaine. J’ai commencé à faire la fête à mes 16 ans, mais à l’époque c’était très occasionnel, à des anniversaires, des réveillons et des fêtes de village. Mais c’est à 19 ans que je commence à sortir de plus en plus, d’abord tous les week-ends, ensuite tous les jeudis soir.
Malheureusement, de fil en aiguille, je continue à faire de plus en plus de soirées, et je bois de plus en plus, sans parler de l’herbe que je fume tous les jours de la semaine. J’en fumais au moins 6 par jours, j’étais totalement à l’ouest. Mon rythme ne fait que s’intensifier, du nombre de soirées, à mon rythme de boisson, je n’arrive plus à contrôler mes envies et je dois toujours en faire plus que trop. Ce petit jeu avec mes limites aura quand même duré trois ans. À travers cette addiction, je cherche à me perdre, à ne plus penser à demain, mais le problème, c’est que quand on ne pense plus à demain, on ne pense plus à aujourd’hui.
J’ai commencé par simple curiosité
Je ne pensais plus qu’à faire la fête, à faire de nouvelles rencontres et à m’amuser. J’avais beaucoup de copains et j’étais tous les jours dans un endroit différent. Je fumais énormément d’herbe et j’ai bu énormément d’alcool. Au fur et à mesure, tout s’est normalisé. Je ne sais pas encore exactement pourquoi, mais je pense que ça devait découler d’un sentiment de mal-être après coup.
Je n’ai jamais trouvé mes limites, mais je trouve le rythme qui me convient. Je n’ai jamais voulu faire comme les autres, j’ai commencé assez tard à fumer, tout mon entourage de cette période fume depuis 13 ans, je n’ai jamais été attiré par l’herbe ni l’alcool, je l’ai fait par pure curiosité. À cause de cette période, je me suis beaucoup éloigné de certaines personnes de ma famille, dont ma grand-mère. J’ai beaucoup de remords concernant cette période. C’est elle qui m’a parlé pour la première fois de l’école de la deuxième chance, et grâce à cette formation j’ai pu me remettre sur « le droit chemin ».
Un décès comme électrochoc
En tout cas, cette période était très agitée, mais il ne faut pas se mentir, j’ai énormément apprécié ces moments, des moments inoubliables. Cependant, ça n’apporte que du vent ou alors du réconfort, mais rien de concret. L’herbe et l’alcool peuvent devenir banals si on ne s’arrête pas, j’ai eu la chance de ne pas aller plus loin dans les substances. C’est grâce et à cause du décès de ma grand-mère paternelle. En 2018 nous sommes allés la voir à Villa Nova, une ville à une heure de Barcelone, c’est là où elle résidait depuis la mort de mon grand-père, avec ma tente Xaro. C’était important pour mon père de la revoir une dernière fois.
Son décès m’a fait un électrochoc, je me suis rendu compte que je ne la connaissais pas. Je me suis ensuite posé toutes sortes de questions, pourquoi je n’ai jamais repris contact avec elle, pourquoi je ne me suis pas plus interrogé sur elle auparavant, toutes ces questions ne servent plus à rien, elle n’est plus là. Elle a vécu l’occupation de Franco, elle a dû fuir son pays natal, ma grand-mère était espagnole. Aujourd’hui, je ne peux plus leur demander quoi que ce soit, j’aurais pourtant aimé entendre leur histoire de leurs propres bouches.
Cet électrochoc m’a fait prendre conscience de l’importance des liens familiaux, que personne n’est éternel et que nous avions tous à apprendre sur la vie de nos grands-parents. Ça m’a aussi permis de prendre du recul sur mes consommations abusives et sur la fête en général, je me suis recentré sur ma famille. Il est important de faire la part des choses, la fête est amusante et désinhibante, elle nous fait faire un tas de rencontres et nous permet de pouvoir nous lâcher pour décompresser et « péter un coup » comme on dit.
Je ne sors que pour des occasions particulières
Mais néanmoins la fête peut devenir un piège, pour ma part, je voyais la fête comme la vraie vie, la vie où on rit à s’en étouffer. On boit à s’en noyer et on fume à s’en brûler. Mais la vraie vie ce n’est pas ça, la vraie vie c’est prendre soin de ceux qui nous l’ont donné. Je reste quand même en contact avec une grande partie de mes connaissances de cette période, certaines de ces personnes sont compréhensibles, d’autres beaucoup moins. Je n’oublierai jamais certains souvenirs de cette période, des moins bons aussi, mais le meilleur reste.
Je fais toujours la fête, mais désormais je ne sors que pour des occasions particulières, ou je bois encore un coup autour d’un jeu de cartes, je ne sors plus au petit Bayonne (quartier très festif de Bayonne réputé pour ses bars) depuis un bon moment. Je ne m’y amuse plus depuis que j’ai pris ce recul, mais de temps en temps, je fais un tour par l’Irish Pub pour prendre une bonne bière entre amis. Bref tout ça pour dire qu’il faut trouver un juste-milieu.
Il est dur pour moi de trouver une conclusion à tout ça. Je pense que les personnes qui ont la chance d’avoir un bon rapport avec leurs familles doivent préserver et entretenir leurs liens. Parler des choses nous aide à les approfondir et a réalisé la progression que l’on a pu faire. Je n’ai que des remords mais aucun regret, chacune de ces étapes a fait le jeune homme que je suis devenu, je ne ferai plus l’erreur de mettre les gens que j’aime de côté.
Rafi, 23 ans, en formation, Bayonne