J’arnaque les fétichistes sur Snapchat
Un soir, je reçois un message : « Aïcha, j’ai besoin de toi ! » Mon ami Milano m’explique qu’il a un deuxième compte sur Snapchat où il se fait passer pour une fille et que là-bas, il y a des personnes qui aiment les pieds ou qui payent pour des nudes.
Milano n’est pas très futé. Il a donc besoin d’une fille pour gérer le compte. J’accepte de le faire. Certaines personnes se doutent que c’était un garçon. Il y a beaucoup d’arnaques dans ce milieu. Donc ils demandent beaucoup de preuves comme des vocaux ou des snaps rouges (c’est-à-dire des photos qu’on ne peut voir qu’une fois). Du coup, c’est moi qui m’occupe des vocaux.
C’est là que tout commence. Il m’envoie les mots de passe et les identifiants du compte. Je me connecte et là je vois tellement de messages ! Je savais pas qu’il y avait autant de gens prêts à payer pour ce genre de choses. Du coup, je crée un faux compte Paypal, une fausse carte PCS, avec une fausse carte d’identité. Je vais chercher les photos d’une fille sur Twitter et des photos plutôt « olé olé » d’elle. Puis, je vais sur Pinterest pour chercher de jolies photos de pieds.
Notre groupe pour les bons plans
On a un groupe sur Snapchat. En gros, il y a des garçons qui se font passer pour des filles sur Snap. Du coup, dans le groupe, tout le monde est réuni. On échange les infos : quels clients payent, quels clients payent pas, qui il faut bloquer, qui il faut éviter d’ajouter, les gars bizarres qui envoient des trucs chelous…
Pour trouver des clients on se fait des échanges de pub : on fait des stories pour faire de la pub aux autres gens du groupe et ils font la même chose pour nous. J’ai fait mon petit flyer avec quelques photos et mes tarifs. Dès le premier échange de pub j’ai plus de 200 ajouts.
Après ces ajouts, je reçois tellement de messages ! Certaines personnes viennent pour avoir des nudes. D’autres demandent des photos de pieds et certains demandent de se faire insulter en échange d’argent. Ils veulent des preuves que ce n’est pas une arnaque. J’envoie donc des screens de virements, des snaps rouges, et des vocaux. Pour les snaps rouges, j’utilise OVF editor, parce que quand on importe un snap de la galerie, il est pas éphémère comme un snap rouge.
On me propose jusqu’à 2000 euros
C’est plutôt des personnes qui vivent à Marseille, Lyon, Toulouse, Saint-Etienne. Partout, sauf dans ma ville. Je ne m’inquiète pas vraiment pour recevoir les paiements. J’utilise Paypal. Je fais payer une photo de pieds 25 euros, les vidéos 30 euros, et n’importe quelles nudes, 35 euros. Donc les clients me demandent mon Paypal, je leur donne. Ils passent au paiement puis je leur envoie leurs photos. Toujours prises sur Pinterest. Jamais des photos de moi. Certains payent plus, ou payent mes commandes Shein, Pretty Little Things, Asos.
On me demande aussi si je fais des IRL (in real life, « dans la vraie vie » en anglais) où on humilie les gens en leur crachant dessus, en les frappant et en les insultant et en les traitant comme des chiens, ou si je veux faire du shopping avec eux et les ruiner. Ceux-là, c’est plutôt les soumis, car il y a pas que des fétichistes qui m’ajoutent. Je leur réponds que non, mais que je peux les humilier en appel. Ils m’appellent « maître » et je les insultent. Ils payent par semaine 100 euros.
Mais il y en a qui me dégoûtent car ils m’envoyaient des snap où ils lèchent des cuvettes, des chaussures et font le chien. Y en d’autre qui me demandent pour des rapports sexuels. La plupart m’envoient des photos de leur pénis. Ils me proposent de grosses sommes pour me voir. 500,1000,1500, jusqu’à 2000 euros et faire ce genre de chose. Mais je refuse. Je veux rester que sur du virtuel.
Snapchat m’a bloqué
Ça a continué pendant des mois jusqu’à ce que Snapchat bloque mon accès à mon compte. Ils m’ont pris pour un spam car il y avait beaucoup trop de monde qui m’ajoutait. Un moment, il y avait 3500 abonnés à mon compte. Je devais faire 1500 vues par snap.
L’IP de mon téléphone a été bloquée pendant quelques mois. Du coup je n’avais plus accès a Snapchat sur mon téléphone. Je ne pouvais plus me connecter à mon compte principal, ni à mon faux compte. J’ai tout arrêté et j’ai été obligée d’aller acheter un deuxième téléphone. Je n’ai pas recommencé, par peur de bloquer l’IP de mon nouveau téléphone. J’ai réessayé de me connecter sur mon téléphone principal. Ça a marché, du coup je songe à recommencer.
Aïcha, 17 ans, lycéenne, Le Kremlin-Bicêtre