À force de cacher mes émotions, je les ai perdues
Je fais face à un terrible constat : beaucoup d’entre nous, les garçons, portons un masque. Pour camoufler nos sentiments, pour ne pas nous montrer vulnérables devant les autres. Moi aussi, j’ai laissé mes émotions de côté. À vouloir revêtir cette image d’homme fort, impavide, je me suis pris à mon propre jeu. Aujourd’hui, je regrette que l’on ne voit pas l’autre partie de moi.
D’où vient cette pudeur à parler de moi ou de ce qui m’affecte ? Sûrement de ceux qui m’entourent, de mes amis, de ma famille.
Des émotions masquées depuis mon enfance
Petit, lorsque je rendais mon père heureux, je pouvais ressentir la fierté qu’il éprouvait à mon égard à travers ce hochement de tête et ce petit sourire en coin qu’il me faisait. Cela me rendait tellement heureux. Mais c’est moi qui étais obligé de décrypter ce sourire et ce hochement. J’imaginais souvent les belles paroles qui auraient pu accompagner ces petits signes, qui signifiaient beaucoup pour moi.
Mes parents m’aiment, je le sais. Mais au fond de moi, je me dis que j’avais peut-être aussi besoin de l’entendre.
En vrai, je connais quoi de mes amis ?
Avec du recul, je m’aperçois que même les conversations avec mes amis sont souvent abstraites. Leurs ressentis, leurs émotions sont enfouies. Lorsqu’ils sont tristes, le silence est leur refuge, accompagné par ce regard livide. Même lorsque nous sommes en groupe, notre vocabulaire peu enrichi nous empêche de mettre des mots sur notre ressenti. Donc nous laissons le temps nous guérir, et nous accueillons la tristesse avec un sourire à chaque fois qu’on est ensemble. On est amis depuis l’enfance, mais incapables de se le dire quand le malheur s’abat sur l’un d’entre nous.
Nous pensons tout savoir de nos amis. Mais si nous ne savons pas ce qu’ils ressentent, que connaissons-nous, réellement, d’eux ?
Mes émotions positives ont disparu
Tout ça m’a mené petit à petit vers l’anhédonie : c’est le fait de ne plus rien ressentir de positif. Je ressens ce mal en moi. Cette sensation m’entoure.
Je n’arrive pas à expliquer ce que je ressens réellement. Impossible pour moi d’en parler. Je suis comme une sorte de robot. Je ne me souviens plus du moi d’avant, celui avec des émotions positives qui débordaient. Je ne sais pas comment sortir de cette situation. Donc chaque jour, je souffre en silence.
Jeff, 23 ans, volontaire en service civique, La Courneuve