Avec le cancer de ma mère, on s’est tous serré les coudes
Il y a cinq ans, ma maman a été atteinte d’un cancer du sein. On a donc dû faire attention pour la protéger, pendant qu’elle se battait pour nous, ses filles et son mari.
En 2014, ma mère a été à un premier rendez-vous. Quand mes parents sont rentrés, je revenais de l’école. Je suis allée jouer avec mon amie dans le jardin pendant qu’elle parlait avec sa mère. Je savais qu’elle avait eu un rendez-vous médical et je voyais bien qu’elle n’était pas comme d’habitude… Elle semblait perturbée.
Le soir, nos parents nous ont appelées dans la chambre de ma grande sœur, car on y jouait déjà. Elle avait 14 ans à l’époque, et moi 8. On était sur le lit quand mes parents nous ont annoncé que ma mère était malade. Ils nous ont expliqué sa maladie, comment la soigner, et ce qu’il fallait faire.
Je n’avais que 8 ans, alors je ne comprenais pas encore tout ce qui allait se passer. Ils nous ont rassurées, et nous ont dit que nos habitudes n’allaient pas changer pour autant. Mais je voyais bien que c’était différent… Il fallait faire plus attention aux microbes par exemple, car ma mère était fragile. Donc si on avait un rhume, il ne fallait pas trop l’approcher et bien se laver les mains.
On ne parlait pas du cancer entre nous
Mes parents sont allés à des rendez-vous assez loin de chez nous, pendant quatre ans. Je restais seule avec ma sœur, en les attendant à la maison. On ne parlait jamais de la maladie entre nous, et maintenant non plus. Je ne sais pas trop pourquoi… Ma mère n’est pas un sujet tabou, car on parle de nos souvenirs avec elle, des bons moments passés ensemble… Mais je parle très peu, voire pas du tout de mes sentiments. Même si je me confie, parfois, à une amie.
Le docteur a procuré à ma mère des médicaments spéciaux, des soins et des chimiothérapies. Les médicaments sont compliqués à avoir. Ils prennent du temps à arriver et coûtent cher. Mes parents ont été aidés par une assurance, ce qui nous a permis de ne pas faire trop de sacrifices.
Ma mère allait toujours dans la même pharmacie. Des liens se sont créés, car les pharmaciens étaient bienveillants avec elle. Ils prenaient toujours de ses nouvelles pour savoir si le traitement marchait. Ils nous rassuraient, et encore aujourd’hui, ils nous demandent comment nous allons. Le personnel de l’hôpital était également très gentil et rassurant avec elle. Certaines personnes méritent un grand respect.
Elle me rassurait alors que ça aurait dû être l’inverse
Chaque chimio devait être espacée de plusieurs mois. On essayait de ne pas trop en parler et de passer de bons moments ensemble. Mais nous attendions les résultats en espérant de bonnes nouvelles… Et on en a eu, mais il y avait aussi des mauvaises.
Nous avions l’impression de ne pas nous en sortir, mais ma mère était très forte alors elle continuait de se battre contre la maladie ! Tout le monde était là pour elle, ça l’a beaucoup aidée. On lui remontait le moral, on rigolait tous ensemble et on évitait d’en parler. Je pense que mes parents voulaient nous protéger.
J’étais petite, donc j’ai l’impression de ne pas avoir assez aidé… Je m’en veux un peu de ne pas avoir été plus présente. Quand une mauvaise nouvelle nous tombait dessus, ma mère nous rassurait, alors que c’était nous qui aurions dû la rassurer. Moi, je ne lui parlais pas de mes sentiments. Ma sœur m’aidait, ou mon père quand ma mère était trop faible. C’était pour des choses simples, comme les devoirs.
Le cancer nous a soudés encore plus
J’ai compris qu’il fallait profiter de la vie et prendre soin des gens qu’on aime. Cela fait plus de deux ans que ma mère est décédée. Depuis, nous sommes très soudés. Nous nous protégeons beaucoup. Peut-être même un peu trop, car nous ne parlons jamais ensemble de la mort de ma mère. J’en ai parlé, quelques fois, à une amie dont je suis très proche, qui a été très affectée par sa mort.
Ma sœur et moi sommes encore plus proches qu’avant, mais on n’en parle toujours pas. Je préfère passer de bons moments avec ma sœur plutôt que de faire ressortir la douleur. On me « reproche » de ne pas en parler, on s’inquiète beaucoup pour moi, mais c’est ma façon d’avancer. Je préfère faire de la mort de ma mère une force plutôt qu’une faiblesse.
Agathe, 13 ans, collégienne, Le Châtelet-en-Brie