Mehdi M. 11/01/2021

Mon cousin handicapé, leurs regards déplacés

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Proche de son cousin handicapé, Medhi perçoit les regards et les remarques discriminantes qu'il subit au quotidien.

Ce dont je vais parler ne me concerne pas directement, mais indirectement. Une personne de mon entourage, mon cousin. Il présente de grandes difficultés car il souffre d’instabilité, plus précisément, de problèmes mentaux liés à la trisomie et d’autres maladies qui atteignent le cerveau, aux noms imprononçables. Ce genre de maladie te ronge le cerveau et suite à cela, tu n’es plus maître de ton corps. Tu commences à bafouiller, baver, parler fort, ne pas articuler et même tes gestes peuvent être violent, que cela pour toi et ou les autres.

Ces personnes-là sont insuffisamment aidées et subissent énormément de moqueries, que ce soit par les enfants ou les adultes. De mon côté, mon cousin je le vois comme mon cousin, rien de plus. Ce n’est pas un handicap ou les avis des personnes extérieures qui vont gâcher notre relation.

« Vous avez vu comment il bave ce dégueu ? »

Un jour, mon cousin, sa mère et moi, étions à Paris en direction d’une boutique de fringues, mais à une station de métro, un groupe de jeunes collégiens est entré dans la rame en regardant de manière insistante et insolente mon cousin. Quelques instants plus tard, j’entends au loin l’un des jeunes parler discrètement à une personne de son groupe de l’état de mon cousin en sortant des phrases du genre « Vous avez vu comment il bave ce dégueu ? », tout en rigolant et en se moquant. Sa mère ne l’a pas entendu et moi de mon côté j’ai fait semblant de n’avoir rien entendu. J’avais une telle colère en moi, une haine qui, d’une minute à l’autre pouvait sortir de moi. Malheureusement, c’était il y a trois ans, j’étais bien plus jeune et je ne pouvais pas faire quoi que ce soit, par peur des représailles peut-être ? 

Dans la même journée, une fois arrivée à la boutique de vêtements connue, le vigile a refusé l’entrée à mon cousin et à sa mère. Il n’a même pas donné une explication, il a seulement rétorqué la phrase : « Ce ne sera pas possible, madame ! » Sa mère tentait impuissamment d’avoir une explication, pourquoi est-ce que son fils n’est pas autorisé à entrer dans ce magasin ? Aucune réponse.

Ce jour-là, elle s’est sentie très mal au fond d’elle. Je n’aurais pas osé lui demander ce qu’elle ressentait après ce qu’elle a vécu (encore une fois), car ce n’est pas la première fois que ce genre de situation lui arrive à elle et à mon cousin. Lorsqu’il se promène avec sa mère dehors, il subit toujours les regards de tout le monde, j’ai l’impression que ces personnes-là ne voit pas en lui une personne. 

Il m’a confié que j’avais de la chance d’être normal

Mon cousin est certes malade, mais un jour il m’avait pris à part chez lui en me confiant qu’il est tout le temps profondément blessé car comme n’importe quel être humain, il ressent des émotions et la souffrance. Ce jour-là, il m’avait dit mot pour mot,  que j’avais « de la chance d’être normal ». C’est vrai que sur le coup, je n’avais pas bien réalisé de quoi il parlait. En prenant du recul avec les années qui suivent, je dois avouer qu’il n’a pas tort. Être en situation de handicap est un enfer à vivre au quotidien en raison du regard des autres.

Personnellement, les jugements que portent les personnes « normales » vis-à-vis des personnes handicapées est « légitime » selon ces personnes-là. N’ayant pas l’habitude de voir cela au quotidien, ils se sentent supérieurs et donc, se permettent d’avoir des conclusions hâtives, au lieu de se dire que « Cette personne-là en situation de handicap à besoin d’aide, car son handicap n’est pas seulement ce qu’il lui est arrivé, son plus gros handicap est de subir au quotidien les moqueries des autres. »

Comme si c’était un animal

Je suis profondément outré par ce genre de comportement, mon cousin est un être humain comme vous et moi et ne mérite pas un tel acharnement et une telle haine comme si c’était un animal. Sa mère a fait tout ce qui est en son pouvoir afin de veiller sur son fils et qu’il puisse vivre comme il l’entend, quelle mère ne ferait pas ça ? L’Etat devrait se bouger un peu plus, on ne parle pas d’un groupe de deux ou trois personnes, mais de plus d’une centaine de milliers d’handicapé qui traversent tous les jours des moments difficiles. Pourquoi est-ce qu’une personne handicapée doit-être aussi restreinte dans sa vie ? Que cela soit des emplois, des accessibilités aux personnes à mobilité réduite, une aide financière, l’Etat est réticent et fait la sourde oreille malheureusement. 

Aujourd’hui, il a 23 ans et il se déplace en fauteuil roulant. C’était il y a trois ans et entre temps mon cousin et sa mère ont déménagé dans le sud-ouest de la France à Lacanau, je ne le vois plus du tout, j’ai seulement de ses nouvelles de temps en temps que cela soit par téléphone ou via les réseaux sociaux. Aujourd’hui, il va beaucoup mieux malgré ses difficultés, j’ai appris récemment qu’il ne va pas tarder à se fiancer, comme quoi, il faut toujours oublier les préjugés que l’on vous apprend. Désormais il perçoit les aides de la MDPH (Maison départementale des personnes handicapées) et un assistant est toujours présent à ses côtés pour l’aider à vivre tout simplement.

Tout le monde s’est mis devant elle, elle ne pouvait pas entrer

Récemment, en voulant prendre mon tramway pour rentrer chez moi, une femme handicapée attendait comme tout le monde son arrivée. Une fois le tramway à quai, tout le monde s’est mis devant elle, ne la laissant pas entrer. 

En voyant cela, à l’intérieur je bouillonnais de rage. Le tramway suivant à l’aide d’une personne qui a sentie la même chose que moi, nous avons décidé de faire une sorte de barrage des deux côtés de la portière en ne laissant personne entrer. Seule la femme est entrée puis les autres ont suivis quelques secondes après. C’est un immense irrespect envers cette femme, ne penser qu’à sa petite tête n’est jamais bon.

Ne vous moquez jamais de votre prochain, aidez, écoutez et discutez tout simplement. Sensibiliser un maximum de personnes. Faites comprendre à quelqu’un qui se moque, qu’il n’y a rien de drôle dans ses propos et qui, au contraire, peuvent détruire des vies.

 

Mehdi, 18 ans, volontaire en service civique, Noisy-Le-Sec

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