Les décès dans ma famille m’ont laissé des séquelles
En 2012, j’ai eu la chance de vivre l’un des plus beaux jours de ma vie : j’ai vu mes parents se marier. Puis c’est à l’âge de9 ans, en 2014, que le premier drame familial est arrivé. C’était au moment de dire au revoir à mon oncle, mort à cause d’un cancer découvert quelques mois auparavant. Celui qui m’emmenait le matin à l’école, qui sauvait des vies (il était pompier), qui était un super père pour mes cousins, et un frère en or pour mon papa, a rejoint les étoiles. Il n’avait que 39 ans.
C’est ensuite en 2017 que j’ai perdu ma grand-mère. Elle aussi a été touchée par une maladie, contre laquelle elle s’est battue pendant presque 25 ans. C’est à partir de là que j’ai vraiment compris que je ne les reverrai pas, ce qu’était la mort et ses dégâts. En deux ans et demi, mon père a perdu son frère et sa mère… mais ça ne devait toujours pas être assez !
En 2018, on m’a enlevé ma deuxième grand-mère, ma deuxième maman, celle qui s’occupait de moi quand mes parents travaillaient. J’étais son ange, et c’est dans son sommeil qu’elle est devenue le mien.
C’est six mois plus tard que mon arrière-grand-mère nous a elle aussi quitté. Ma maman venait de perdre les deux personnes qui l’avaient élevée.
Les mois passaient et il ne revenait pas
J’ai eu la chance que mes parents me disent la vérité. Mais étant si jeune, je n’avais pas vraiment conscience de ce qu’il se passait. Même avec les explications de mes parents, comme quoi mon tonton avait rejoint les étoiles, je me disais qu’il était juste parti en vacances et qu’il reviendrait bientôt. Je ne comprenais pas trop pourquoi mes parents étaient si tristes. Mais les mois passaient et mon tonton ne revenait pas.
C’est ensuite avec le décès de ma première grand-mère que j’ai commencé à réaliser ce qu’était vraiment la mort. Je me posais plein de questions, j’avais peur de l’oublier.
L’année suivante n’a rien arrangé : la perte de ma deuxième grand-mère s’est assimilée à la montée de l’Everest. On était très fusionnelles et on partageait tout. Alors, je ne voyais pas comment faire face à cette épreuve. J’étais tout le temps triste, renfermée sur moi-même, en colère. Pour moi, c’était la plus grande des injustices.
Il est très dur de faire son deuil. La perte d’un être cher reste un vide constant mais il faut réapprendre à vivre. Ma famille a été mon plus grand soutien, elle m’a aidé petit à petit à prendre du recul, à mieux accepter les choses.
J’ai peur de la mort
De telles épreuves laissent beaucoup de séquelles, même si de jour en jour elles s’atténuent. C’est particulièrement après la mort de ma deuxième grand-mère que les choses ont le plus changé. Depuis, j’ai peur de l’abandon. Je crains constamment que les gens que j’aime s’envolent au paradis. C’est d’ailleurs pour ça que je ne m’ouvre pas beaucoup aux gens : pour moi, l’attachement se traduit forcément par la peur de la perte.
Plus j’aime les gens, plus j’ai peur qu’ils disparaissent, et cela à tous les âges. Cela se traduit par l’obsession que j’ai de protéger ma petite sœur. Aujourd’hui, elle est tout pour moi. Tous les soirs, je dors avec elle en me disant que s’il lui arrivait quelque chose pendant la nuit, je serai là pour l’aider.
Je ne dors plus seule
J’ai beaucoup de mal à dormir seule. Quand ça arrive, je cogite en me demandant comment va ma sœur, si elle dort bien… alors qu’il n’y a qu’un mur entre nous. Maintenant, je dors seule les week-ends et pendant les vacances pour la laisser un peu tranquille. Mais pas la semaine, sinon je suis trop fatiguée pour les cours.
Au début, quand il nous arrivait de dormir séparément, il fallait même mettre un babyphone pour me rassurer, alors qu’elle avait dix ans. Encore maintenant, quand elle est malade, il faut que je dorme dans la même chambre que mes parents.
L’année prochaine, je serai peut-être contrainte de partir de chez moi pour mes études. Un plan B a été mis en place, ma cousine viendra vivre avec moi. Heureusement, elle a un travail qui lui permet d’aller n’importe où. Et puis, elle aussi n’aime pas trop être seule. Mais je sais que l’absence de mes proches sera dure à vivre.
Julie, 18 ans, lycéenne, Val d’Oise