Depuis, j’ai peur des garçons

Tous les jours je me demande comment ça aurait fini si j’étais restée dans la chambre. Plus je grandis, plus j’y réfléchis. Personne ne le sait, je ne l’ai jamais dit à personne. Tous les jours, j’essaye de faire des efforts mais c’est difficile. J’ai toujours en tête l’idée qu’à tout moment, un truc comme ça peut m’arriver. C’est avec tous les garçons. Dès que je me retrouve seule avec un garçon, je pense au pire.

J’avais 7 ans, je vivais avec ma mère dans mon pays d’origine, Haïti. Mon père était parti un peu avant mes deux ans. Un jour, j’étais toute seule avec le fils de la voisine qui avait 17 ans. J’étais amie avec sa sœur, du coup on se parlait beaucoup. J’étais dans la cour quand il m’a appelé. Il m’a dit de venir le voir. Je l’ai suivi dans sa chambre, je me disais qu’il avait peut-être besoin d’aide.

Quand je suis rentrée, il faisait grave noir et il n’y avait plus de lumière. En plus, on était tout seuls, juste nous deux : une petite fille et quelqu’un de presque majeur. J’avais un peu peur, mais je l’ai suivi quand même. Il m’a attrapé la main, je lui ai demandé ce qu’il y avait et là, il a fermé la porte. Il a commencé à se déshabiller et il m’a dit de me mettre sur le lit.  Je ne l’ai pas écouté, je voulais sortir mais il ne voulait pas me laisser. J’ai crié fort. Il m’a dit de ne rien dire à personne. Dieu merci, j’ai réussi à m’échapper.

Je suis rentrée chez moi. Je ne suis pas sortie jusqu’à ce que ma mère revienne. Depuis ce jour, je ne lui ai plus jamais adressé la parole. Plus tard, ma mère a déménagé et moi j’ai quitté mon pays.

Je suis arrivée en Guyane, là où j’ai commencé le collège. Je ne vivais pas avec ma famille, je ne connaissais pas les gens avec qui je vivais. Au bout d’un moment j’en ai eu marre, j’ai dit à mon père que je ne pouvais plus rester là-bas. Il a appelé quelqu’un pour venir me chercher.

Je n’arrive pas à oublier ce qu’il s’est passé, ça me cause beaucoup de problèmes. J’ai une crainte envers les garçons. Je n’arrive pas à faire confiance. À cause de tout ça, je n’arrive pas à m’approcher de mon père. Maintenant je vis avec lui depuis un an, mais je ne suis pas vraiment moi-même. Je ne le connais pas. C’est difficile. Je pensais qu’on allait avoir une bonne relation père et fille, mais non, je n’y arrive pas.

Nina, 14 ans, collégienne, Villiers-le-Bel