Khalid N. 14/06/2023

Même en France, je joue toujours au cricket

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Joueur de cricket depuis ses quatre ans, Khalid est en France depuis peu. Il a garde l’espoir de retourner jouer dans son pays, l'Afghanistan.

En Afghanistan j’avais école le matin, ensuite je travaillais de 12h à 15h, puis j’allais au cricket de 15h à 17h, et je retournais encore au travail. Le cricket est beaucoup joué dans mon pays, c’est le sport le plus joué et regardé après le foot.

J’ai gagné une coupe en 2015 et une deuxième en 2017. C’était une compétition entre régions. J’étais dans l’équipe des 14 ans que je devenu joueur professionnel, donc je gagnais un peu d’argent avec ce sport, mais pas beaucoup… D’ailleurs, mon équipe était très forte. Je n’ai jamais imaginé ne faire que ça et devenir pro.

Pendant cette même coupe de 2015, je suis tombé sur le genou. Résultat : j’ai été à l’hôpital pendant trois mois. Le médecin m’a dit « tu ne peux plus jouer  », c’est pour cela que j’ai arrêté le cricket. Une fois guéri, j’ai repris : je me souviens, c’était en 2017, pendant une coupe. Une autre personne était aussi tombée, du coup j’ai dû la remplacer. Mais mon niveau avait beaucoup diminué comparé à avant.

Dans le cricket, il y a toujours des bagarres. On porte un casque, mais les bols (les casques) ça fait très mal quand on les jette. Alors, ils se mettent à taper sur les gens qui leur ont lancé dessus. Mais malgré cela, j’aime tout dans ce sport ! Surtout le fait de jouer en équipe (on est 17 en tout mais seulement 11 jouent sur le terrain, les autres sont remplaçants)

Je suis parti de l’Afghanistan le 1er avril 2018 pour venir en France, tout seul. Je suis venu en voiture et à pied, en passant par l’Iran, la Turquie, la Bulgarie, la Serbie, l’Espagne, la Croatie, l’Italie et enfin la France. Le voyage a pris deux mois et 24 jours. En Afghanistan, il y a beaucoup de guerres entre les Talibans et Daesh. J’y ai aussi participé, mais j’ai fini par partir parce que c’était dangereux pour moi.

C’est très compliqué de partir seul. Il y a beaucoup de policiers qui nous ont tapés, surtout mes amis (on était à peu près 15, avec des enfants). Je me suis arrêté en France parce que dans tous les autres pays la police nous tapait, alors qu’ici, ça allait. Plusieurs personnes sont parties en Belgique, en Angleterre ou en Suisse. Depuis le 14 avril 2021, j’ai le statut de protection subsidiaire pour quatre ans.

Je joue avec mes amis afghans

Depuis que je suis en France, je joue toujours au cricket mais moins qu’en Afghanistan. Je joue avec mes amis afghans une fois par mois sur un stade. Il y a des clubs, mais c’est loin. Il faut prendre le bus à Porte de la Chapelle jusqu’à la dernière station, c’est très long, au moins une heure.

Les personnes avec qui je joue, je les ai rencontrées en France, on vivait sur le même palier. Ils viennent du Bangladesh ou d’Afghanistan, on était ensemble. Ils sont devenus mes amis, on a la même culture. Il me tarde toujours de jouer au cricket, j’aime ces moments. J’ai joué jusqu’au supérieur ! En 2021 je devais passer à la télé, mais à cause de la guerre je n’ai pas pu.

Pour l’instant, je n’ai pas vraiment décidé ce que je voulais faire, mais je suis intéressé par une formation de bagagiste pour travailler dans les aéroports. Je sais que c’est lourd, c’est 40 kilos, mais j’aime bien. Le soir, je vais au lycée pour apprendre le français. J’ai commencé en 2019, puis j’ai arrêté à cause du Covid, mais j’ai repris en 2022. L’année dernière j’étais livreur. J’ai fait ça pendant 17 mois : livraisons avec Ubereats, déménagements, tout ça en vélo électrique (que l’entreprise me prêtait) avec une grande remorque qui portait jusqu’à 200-250 kilos, mais j’ai pris l’habitude. J’aimais bien me balader sur les routes avec le vélo, sauf quand il pleuvait parce que je pouvais tomber, ça m’est beaucoup arrivé. Après j’ai travaillé dans un hôtel.

J’aimerais bien retourner en Afghanistan un jour. Même si j’ai souvent ma famille au téléphone, tout le monde est encore là-bas. Mon père est décédé à cause de la guerre parce qu’il s’est battu avec Daesh. Mon frère a 14 ans, il vit avec mon oncle, il était trop jeune pour venir en France avec moi. Ma sœur, elle, est mariée, donc elle ne pouvait pas me suivre non plus. Je crois qu’ils ne veulent pas partir du pays parce que, malgré tout, on l’aime. Au fond, je suis triste d’être parti.

Khalid, 22 ans, en recherche d’emploi, Paris

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