Derrière mon écran, j’ai peut-être sauvé une vie
Je n’ai pas le droit de sortir. Ni d’aller chez mes amis, ni qu’ils viennent chez moi. Par contre, je peux être sur les écrans, donc je passe la plupart de mon temps libre à jouer en ligne.
Les écrans ont changé ma vie. Les autres joueurs, ce sont mes amis. Eux ils ne m’abandonneront sûrement jamais. Cette année, j’ai commencé à jouer à RecRoom. Je me sentais libre mais j’avais peur de parler aux gens. Notamment à cause de la barrière de la langue car le plus souvent, il n’y avait que des anglophones. Mais ce n’était pas grave, j’écoutais juste les gens parler entre eux, et parfois, j’écoutais les disputes. C’était assez drôle.
Pour oublier ma solitude
J’aimais bien jouer, ça me permettait d’oublier le fait que je me sentais seule pendant les vacances. Plus je jouais, plus je sentais une sorte de vide, comme une routine. Ça commençait à devenir plutôt ennuyeux. Mais un jour, j’ai rencontré deux personnes dans le Park du jeu, une fille et un garçon. Le garçon s’appelait Rover et la fille s’appelait Beans, c’est leurs prénoms de jeu. Ils étaient anglophones, mais j’arrivais plutôt bien à les comprendre.
Ils ne faisaient que me dire que je ne devais pas être timide avec eux, et que ce n’était pas grave si j’avais un accent. Mais je n’ai jamais vraiment parlé, j’écoutais, je jouais avec eux et écrivais pour leur répondre. Après quelques jours, Beans a arrêté de jouer avec nous. J’ai continué à jouer avec Rover. Un jour, il m’a fait rencontrer un de ses amis, Josh. On jouait que les week-ends à cause du décalage horaire, mais ça ne nous empêchait pas de nous amuser à chaque fois.
Je voulais rendre sa vie meilleure
Je me sentais enfin comme les autres ! Ça me faisait toujours mal de savoir que mes amis « réels », dans la vraie vie, pouvaient sortir s’amuser et pas moi. J’avais l’impression de ne pas profiter de la vie. Alors, quand moi aussi je m’amusais avec mes amis virtuels, je me sentais moins seule, j’avais l’impression de vivre, même si ça ne durait que quelques heures ou quelques minutes.
Dès le début, Josh m’a plutôt intrigué, car il m’a dit qu’il voulait mourir. Je lui ai tout de suite dit de faire sortir ça de son esprit, j’ai pris ses coordonnées et j’ai commencé à prendre de ses nouvelles tous les jours. Il avait très peu confiance en lui, il souffrait de dépression et de TDAH. Il disait qu’il haïssait sa vie.
Je voulais rendre sa vie meilleure. Je me sentais un peu inutile au début et je ne savais pas trop comment consoler quelqu’un. C’était aussi très dur parce qu’il était à l’autre bout du monde. Puis un jour, il m’a dit : « Merci d’avoir rendu ma vie meilleure quand j’étais sur le point de me tuer, merci d’avoir été là quand j’avais besoin de toi ».
Ce jour-là, j’ai pleuré, parce j’étais fière d’avoir sauvé quelqu’un, à l’autre bout du monde.
Léa, 14 ans, collégienne, Villiers-le-Bel