Désert médical, transition de genre en pause
« Maman, je suis un garçon ! » J’avais 15 ans quand j’ai prononcé cette phrase. J’ai profité qu’une amie soit à la maison pour l’annoncer à ma mère. Mes amis étaient au courant depuis des mois. Ils m’appelaient déjà tous par mon prénom, Liam. Mais ce soir-là, après plusieurs mois de souffrance cachée, j’ai décidé de dire à ma mère que désormais, ce serait « il » pour parler de moi. Et qu’il faudrait m’appeler Liam.
Elle a compris ce mal-être. Elle m’a rappelé une phrase prononcée quand j’étais enfant : « Plus tard, j’aurai les cheveux courts comme un garçon ! » Elle m’a encouragé à débuter mon parcours de transition. Ma médecin traitante de l’époque aussi a compris, peu à peu. Elle m’a prescrit une pilule de progestérone pour diminuer un peu mes taux d’oestrogène. Mais j’ai arrêté au bout de quelques mois car ça produisait l’effet inverse. Après ça, je n’ai pas eu d’indication de sa part sur les démarches à faire pour ma transition. Elle n’avait pas les informations.
Pas assez de spécialistes
J’aurais bien aimé avoir accès à de la testostérone, comme beaucoup de personnes transgenres dans les grandes villes. À l’époque, j’habitais à Quimper, en Bretagne. J’ai cherché un endocrinologue qui aurait pu m’en prescrire, ainsi qu’un psy spécialisé. En vain. Je n’arrivais pas à trouver de rendez-vous avec des spécialistes.
J’avais l’exemple d’amis transgenres autour de moi qui voulaient, eux aussi, avoir accès à une transition en étant jeunes. J’ai vite compris qu’à Quimper, ce ne serait pas possible. Même à Brest il y a peu de soignants qui prennent en charge les personnes trans. Certains de mes amis y allaient, à une heure de voiture, mais il fallait attendre très longtemps pour avoir un rendez-vous et avoir une solution pour se déplacer jusque là-bas.
Ça m’a rendu malheureux. Je suis passé par une grande phase de dépression qui a mené à une tentative de suicide. Je vivais mal le fait de ne pas pouvoir vivre mon adolescence comme tous les mecs de mon âge. Je ne voyais que la drogue, les relations toxiques ou les conflits pour me sentir intégré parmi les mecs.
« J’attends de déménager »
Maintenant, j’ai grandi. J’ai 18 ans. Je le vis toujours mal, mais j’ai trouvé ma place auprès d’amis compréhensifs. J’ai aussi pris mon indépendance et je vis seul à Carhaix. Comme je m’habille de manière masculine, je ne subis pas de transphobie dans ma vie quotidienne : je me vois et me considère comme n’importe quel homme.
Carhaix, c’est un désert médical. Alors j’ai dû mettre ma transition de genre en pause, d’autant que je n’ai pas le permis. J’attends de déménager près d’une grande ville pour la continuer avec sérénité. Dans l’idéal, j’aimerais aller dans le Sud de la France.
Parfois, dans la vie, on n’a pas le choix. Il faut être réaliste. Je pense d’abord à mes projets professionnels : je suis à la mission locale et j’espère rentrer en formation. Plus tard, j’aurai plus de temps pour penser à moi.
Liam, 18 ans, en formation, Carhaix
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Mon passing est une question de survie, par Kyle, 20 ans. Il a fait sa transition pour se sentir mieux dans son corps, dans sa tête, et dans l’espace public. Être mégenré en allant faire du shopping, être agressé en allant prendre son train… Être perçu comme femme est pour lui un danger.