Deux mois confiné, trois ans à m’en remettre
Souvenez-vous : nous sommes le jeudi 12 mars 2020, Emmanuel Macron prend la parole. Il annonce la fermeture des crèches, des établissements scolaires et des universités. Collégiens, lycéens, étudiants, tous étaient heureux. Moi le premier en sah (en vrai), cinq mois et demi sur nos lits, mais que demande le peuple ! Seulement, quand j’apprends que la rentrée des secondes de mon lycée aura lieu le jeudi 3 septembre, je ne comprends pas que le rêve est censé prendre fin.
Le confinement m’a littéralement coupé du monde. J’étais obnubilé par mon téléphone, je passais mon temps dessus et je ne parlais plus à personne. J’ai peu à peu arrêté de suivre les cours à distance, ils étaient trop chiants à mon goût. J’ai carrément arrêté d’ouvrir mon ordi pour téma les devoirs, c’était vraiment trop d’efforts pour moi. Les avertissements de ma famille sur mon addiction aux réseaux étaient toujours les mêmes : « Tu es tout le temps sur ton téléphone » ; « Monsieur téléphone. »
Je respecte beaucoup trop ma famille pour me disputer avec eux, donc à la place je préférais me morfondre. Seul dans ma chambre, avec mon téléphone. Je n’écoutais personne et j’étais complètement dans le déni. Au fond de moi, je savais que je devais faire quelque chose, qu’il fallait que j’arrête. J’étais impuissant et sans aucune motivation. Mes journées ont vite commencé à devenir répétitives : réveil tardif, téléphone, petit-déjeuner à 14 heures, téléphone, dîner, téléphone et nuit blanche. C’était H24 comme ça. Même moi, quand j’en parle, j’ai honte.
Dans ma bulle
La rentrée pour les secondes commence donc le 3 septembre 2020. J’étais totalement indifférent, encore dans la bulle que je m’étais créée. Les cours m’ennuyaient clairement. Je n’arrivais pas du tout à aller vers les autres élèves. Même en dehors, je ne parlais plus à personne. Mon cercle d’amis a énormément diminué et mon travail personnel en dehors du lycée était inexistant. Je me croyais encore en confinement ! Quand le premier trimestre s’est clôturé, ce fut le choc : 4 de moyenne générale. Faut le faire quand même ! Je n’avais la moyenne dans aucune des matières.
Mes appréciations étaient à base de « élève perdu », « travail personnel inexistant », « absences répétées ». J’ai très vite été convoqué par la directrice et certains professeurs dans l’optique d’éviter l’échec scolaire. Enfin, entre nous, ils voulaient surtout me proposer de me réorienter vers une filière professionnelle.
C’est lors de cette convocation que j’ai rencontré Mimouna. Elle est chargée de la réussite éducative des élèves. Durant le rendez-vous, on a essayé de mettre en place un dispositif pour m’aider à réussir mon année : je devais juste aller à l’aide aux devoirs tous les jours, sauf le dimanche. En sortant de cette discussion, je savais parfaitement que je n’allais pas tenir ma promesse. Je n’allais pas bouger tous les jours juste pour faire mes devoirs.
Le déclic, allongé sur mon lit
Quand je suis rentré chez moi, je me suis allongé sur mon lit et là, j’ai eu un réel déclic. Je me suis rendu compte que la personne que j’étais devenue n’était plus la même qu’avant. J’étais passé de l’élève sérieux, bavard et ambitieux à l’élève perdu, silencieux et absentéiste. J’ai alors compris que le confinement m’avait détruit. Mais malgré ma prise de conscience, je n’avais toujours pas la force pour me donner à fond.
J’ai quand même essayé d’aller à l’aide aux devoirs de temps en temps, environ deux fois par semaine. J’ai commencé peu à peu à réviser mes cours, faire des fiches de révision… Mais bon, je mangeais souvent des mauvaises notes. J’essayais d’écouter en cours même si je m’endormais au bout de 30 minutes.
Je suis allé de plus en plus à l’aide aux devoirs. Mimouna m’a alors mis en contact avec une étudiante de l’Essec [une école de commerce, ndlr] avec qui j’avais des rendez-vous tous les mercredis. Elle m’apprenait à bien m’exprimer, pour me trouver une alternance par exemple, au cas où je décide d’aller en filière professionnelle. Ces entretiens étaient motivants, même si c’était pour aller dans une filière qui ne me plaisait pas et ne me correspondait pas. Je me suis dit : « Elle a réussi à rentrer à l’Essec, alors pourquoi pas moi ? Pourquoi je ne pourrais pas viser des études aussi studieuses ? »
Viser plus haut
J’ai redoublé d’efforts, dans l’optique de viser la filière STMG. À la fin du deuxième trimestre, je suis arrivé à 7 de moyenne générale. Je sais ce que vous pensez hein, que cette moyenne est nulle. Eh bien ouais, je suis d’accord avec vous ! Mais je n’ai pas lâché, j’ai continué de persévérer, malgré les mauvaises notes.
Troisième trimestre terminé, 8 de moyenne générale. C’était suffisant pour entrer en STMG. Mon lycée a accepté, même si pour la moitié des profs c’était à contre-cœur. C’était en partie grâce à Mimouna, qui avait témoigné de mes efforts auprès des professeurs.
Maintenant, ma dépression est derrière moi. Je suis à peu près redevenu la personne que j’étais avant le confinement. Je dis à peu près car j’en garde encore quelques séquelles. À force de m’enfermer sur moi-même j’ai perdu des amis. J’ai plus de difficultés à m’exprimer devant les autres, je manque de confiance en moi.
Sans des gens comme Mimouna ou comme l’étudiante de l’Essec, je ne sais même pas ce que je serais devenu. Grâce à elles, je continue d’avancer et de viser toujours plus haut. Moi qui visais un simple BTS en seconde, je rêve aujourd’hui en terminale de rentrer dans une grande école de commerce en intégrant une prépa.
Ben Hassane, 17 ans, lycéen, Paris