Devenir (presque) indépendante à 17 ans
C’est le début de l’été, je viens d’obtenir mon baccalauréat et j’arrive sur le quai de la gare Matabiau à Toulouse, accompagnée de mes valises, d’un sentiment de liberté et de soulagement. Je prends mon indépendance, un mot que je n’aurais jamais pensé employer à 17 ans.
J’ai réussi à m’éloigner de ma famille, où les relations sont compliquées. Mes parents se sont séparés, ma mère est dépressive, mon père est seul et alcoolique. Je dois grandir mentalement et m’accepter physiquement ! J’ai juste envie de penser à moi et à mon avenir.
Mon désir d’indépendance est arrivé pendant mes années de lycée, quand la situation familiale a commencé à se dégrader. Quelques mois après que ma mère se soit remise avec quelqu’un, j’ai compris que j’avais tout intérêt à quitter la maison. Et qu’il fallait que je sorte du déni : la situation de mes parents me faisait souffrir et je devais prendre de la distance.
J’ai donc pris la décision de vivre en internat. Le week-end, je vivais avec ma sœur et ma mère, de moins en moins présente au fil des mois. Régulièrement, les parents de mon copain m’ouvraient leur porte et m’accueillaient pour que je puisse souffler et me changer les idées. J’ai pris conscience que je me sentais mieux à l’internat ou avec mon copain qu’à la maison.
Lorsque, début juillet 2021, j’arrive enfin à Toulouse, je prends le métro pour rejoindre ma sœur et l’amie commune qui nous héberge pour l’été. Elles sont aussi heureuses que moi. Nous savons qu’on va passer un été de folie. Je me trouve un job d’un mois pour partir en vacances par la suite.
L’été passe et après cette longue attente à vouloir être autonome, ma vie indépendante, ou presque, démarre. Avec ses hauts et ses bas…
Vivre en coloc, seule ou en couple ?
Je commence des études de sociologie, le premier semestre se passe bien, ça me plaît. Je touche la bourse universitaire pour avoir un logement et subvenir à mes besoins. Je vis en colocation avec ma sœur, mais des tensions surviennent et on décide d’y mettre fin. C’est le début d’une période compliquée niveau logement. Je retourne d’abord chez mon amie pour une période de deux mois. Début décembre, j’obtiens enfin mon appartement au Crous. J’y vais une fois, une seule, juste pour voir ce que ça donnerait, moi, seule, autonome, dans un 9 m². Quelques semaines après, j’emménage chez mon copain, la meilleure décision.
Chez moi, j’étais habituée à ne voir ma famille que très peu et j’avais toujours eu le sentiment d’être bien lorsque j’étais seule. En ville, c’est différent : sans repères, le fait de déménager d’appartement en appartement et de s’y trouver seule n’est pas facile.
Cette expérience me permet de me confronter à mon angoisse de la solitude. Au niveau de l’amour et de l’amitié, j’ai toujours eu ce besoin d’être aimée et rassurée par peur que l’on me laisse tomber. Parfois, quand je pense au fait qu’un jour je pourrais me retrouver seule et abandonnée par mon entourage, ça me rend très vulnérable.
Trouver sa voie
Nous sommes maintenant en janvier 2022 et j’ai décroché des cours en amphithéâtre. Je ne vais plus qu’aux travaux dirigés afin de ne pas perdre ma bourse. J’ai plus envie de gagner ma vie que de poursuivre mes études.
Je dois renouveler ma carte d’identité, puis faire ma carte vitale et ma carte bancaire, seule et avec mes propres moyens, à 18 ans. Je commence à chercher un petit boulot et, de fil en aiguille, je suis embauchée pour garder deux enfants de 3 et 8 ans, huit heures par semaine. Je commence à travailler avec cette famille incroyable.
D’habitude, j’ai peu confiance en moi dans la vie de tous les jours, surtout à l’oral. Je suis comme un enfant, je stresse, j’angoisse et j’ai peur. Peur de me tromper, d’oublier ce que je veux dire ou de dire une bêtise. Mais cette fois, je sais que j’ai réussi seule et je suis fière de moi.
Après quelques mois, j’obtiens un CDI. Malgré le salaire qui n’est pas très élevé, j’arrive à m’en sortir, avec un peu d’aide de mon entourage en plus. Bien sûr, je me prive de certaines choses pour avoir une vie à peu près normale. Mais je me rapproche chaque jour de ma totale indépendance.
Charly, 19 ans, étudiante, Toulouse