Zarah 19/11/2021

Du foyer à la famille d’accueil

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A 16 ans, Zarah retrace son parcours d'enfant placée. Aujourd'hui chez son père, elle reste attachée aux rencontres faites en famille d'accueil.

Le dernier jour est passé un peu trop vite. Même si je m’y attendais, je ne voulais pas forcément partir car j’avais créé une certaine affinité avec les jeunes ou les éducateurs. Le voyage a été long, par la fenêtre les arbres défilaient. Mais j’étais quand même pressée d’arriver dans ma famille d’accueil.

Avant de prendre la voiture pour des heures de voyage, j’ai pris le temps de dire au revoir à toutes les personnes qui ont été là pour moi au quotidien. Que ce soient les éducateurs ou les jeunes qui m’ont permis de me sentir à ma place. Dire au revoir à mon éducatrice référente, à la personne qui m’a aidé à ne pas tomber, à sécher des larmes quand elles sont tombées… Quand j’étais en crise d’angoisse, c’était l’une des seules personnes qui arrivaient à me calmer et à me raisonner. Grâce à elle, j’ai pris beaucoup en confiance en moi et en maturité.

Une partie de moi voulait rester en foyer

Le foyer est réparti en quatre étages. Le rez-de-chaussée, c’est l’accueil et les bureaux de la psy et de la comptable, le premier est pour deux groupes : les 6-12 ans et les 12-16 ans. Au troisième, c’est la laverie et la cuisine. Et au dernier étage, le groupe le plus grand, les 16-18 et parfois même 20 ans. Dans chacun des groupes, on était douze enfants. L’ambiance était simplement super, toujours des gens pour amuser la galerie mais pas comme dans une colonie, c’était différent. Je suis restée presque un an et j’ai créé beaucoup d’affinités avec pratiquement tous les jeunes du foyer et les éducateurs, donc en partant j’étais triste. Une partie de moi voulait rester et une autre voulait partir.

Je pensais que la suite en famille d’accueil allait m’aider car, dans ce foyer, je ne pouvais pas sortir sans un éducateur ni l’accord de mon père. À partir d’une certaine heure, on était tous dans nos chambres et on ne pouvait plus sortir, de l’argent de poche était versé tous les mois par un éducateur référent. Ça varie selon l’âge, moi c’était 20€ car j’avais 12 ans. Je ne pouvais pas dormir chez des amis. Je me sentais en prison comme dans le groupe des 6-12 ans, qui n’avait pratiquement pas de sorties. Elles étaient limitées à l’école ou au G20 d’en bas…

Après le foyer, une nouvelle famille

Une fois arrivée à l’ASE (Aide sociale à l’enfance, dont les éducateurs accompagnent les jeunes tout le long de leur placement) je me posais de plus en plus questions : j’allais me plaire ou ne pas aimer du tout ? J’avais peur qu’au lieu d’apaiser mes problèmes, ça allait en créer. Peur de trop me plaire là-bas et ne plus vouloir partir. Et c’est ce qu’il s’est passé : je me suis beaucoup trop attachée à eux.

A mon arrivée en famille d’accueil, tout se passe bien, je suis accueillie par un couple assez âgé mais très gentil. Malgré les nombreux enfants placés, ils étaient quand même présents pour moi. Ça ressemblait au foyer car les mêmes règles étaient imposées, comme les sorties sous autorisation… Et dormir chez des amis était tout autant compliqué dans cette famille. On était quinze à manger à table mais c’était un peu différent car ils étaient plus présents que les éducateurs du foyer. Les deux parents étaient là pour m’écouter en fait !

L’environnement change, le cadre de vie aussi. Le foyer, c’était un petit immeuble alors que la famille habitait en pavillon. Le foyer était à Paris et la famille entre la campagne et Montmagny, en banlieue. En famille d’accueil, on se sent plus à la maison, ça ressemble plus à une famille qu’au foyer. J’avais ma chambre au début, puis je l’ai partagée avec une jeune, comme au foyer.

Je l’ai quittée pour retourner chez papa, en pleine épidémie. J’ai même pas pu les serrer dans mes bras pour la dernière fois. Avec la situation, les embrassades et tout ce qui va avec n’étaient pas conseillé. Et vu qu’ils étaient un peu âgés je voulais pas prendre de risques. Maintenant  je ne suis plus placée, le retour chez mon père n’a pas été difficile. Je garde quand même contact avec eux, même s’ il faut que je coupe le cordon parce que maintenant il faut que j’avance sans regarder derrière moi.

J’ai était placée pendant cinq ans, j’ai fait la rencontre de gens qui m’ont aidée et touchée mais je ne veux plus y retourner parce que c’était éprouvant et que je suis passée par plusieurs émotions : la peur, la tristesse, la joie. C’était dur pour une jeune de 14 ans. Aujourd’hui je garde en mémoire toutes les personnes qui m’ont aidée, je les remercie mille fois, sans elles je ne serais peut-être pas là.

Zarah, 16 ans, lycéenne, Pierrefitte

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