Lilia G. 19/10/2024

Élever son petit frère avec « Super Nanny »

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Face à des parents absents et démissionnaires, Lilia a dû endosser un rôle d’adulte. Pour elle mais aussi pour son petit frère. À 9 ans, elle a tout appris en regardant l’émission télévisée « Super Nanny ».

À la maternité, mes yeux brillaient. Je n’arrivais pas à détacher le regard de ce bébé qui, pour moi, était le plus beau du monde. La naissance de mon frère a été le plus beau jour de ma vie. J’ai eu l’impression que cet enfant m’avait sauvé la vie. Je me suis senti redevable envers lui et je me suis promis de tout faire pour que, contrairement à moi, son enfance soit douce et qu’il se sente aimé.

D’aussi loin que je me souvienne, ma mère n’a jamais eu l’instinct maternel. Bien au contraire. Elle n’a pas réussi à créer d’alchimie avec ses enfants, mon petit frère et moi. Elle n’a jamais donné l’impression de se soucier de notre bonne santé. Elle n’a pas su anticiper nos besoins, nos difficultés, et par conséquent elle n’y a jamais pallié.

Violences et indifférence

Ma mère m’a eu à 21 ans. Mon père, lui, est parti dix mois après ma naissance. Je ne l’ai plus revu depuis. Encore aujourd’hui, les raisons de son départ restent floues.

Avec ma génitrice, on a vécu pendant un temps chez mes grands-parents. Pendant qu’elle sortait voir des amis, s’amusait en soirée ou restait sur le canapé en pyjama à regarder la télé, ce sont eux qui m’ont élevée. Ils se sont assurés que je ne manque de rien, ils ont établi des règles, ils m’ont inculqué des valeurs comme l’empathie et ils étaient là dans les bons comme les mauvais moments pour m’épauler. Ils étaient là pour me soutenir lors des compétitions de judo. Ils m’ont remonté le moral et m’ont rassurée quand j’ai redoublé une classe.

Lorsque j’ai eu 4 ans, avec ma mère, on a quitté leur logement. Être seule avec elle, ça a été compliqué. Elle me rabaissait sans cesse et faisait aussi usage de violence physique. À la maison, il n’y avait pas d’échappatoire. Je me sentais très souvent seule. Et j’en souffrais. Ça a duré jusqu’en 2013 lorsque mon petit frère est né. J’avais 9 ans.

Suivre les conseils à la télé

J’avais accepté le fait que c’était à moi d’assurer la mission d’élever ce bébé. J’ai essayé de m’y préparer au mieux en regardant « Super Nanny ». Je prenais en compte tous les conseils qu’elle donnait. Pour ceux qui seraient passés à côté de cette émission culte, un épisode se déroule en quatre parties.

D’abord, « l’observation ». Kathy, alias « Super Nanny », se rend auprès de parents qui connaissent des difficultés avec leurs enfants pour analyser durant deux jours le quotidien et les problématiques de la famille. Kathy n’a pas le droit d’intervenir durant cette phase sauf en cas d’urgence absolue.

Ensuite, l’« action ». Elle dure trois jours. C’est le moment où Super Nanny expose à la famille les règles à respecter.

Puis, « l’absence ». Pendant deux jours, parents et enfants sont en autonomie et tentent d’appliquer les conseils prodigués par l’experte. Super Nanny observe tout ça, cachée pas très loin de la maison familiale.

Et, enfin, la partie finale, « le retour ». Kathy revient auprès de la famille pour tirer un bilan de l’expérience, images à l’appui. Généralement, la mission est accomplie pour Super Nanny qui repart vers de nouvelles aventures après avoir ramené le calme dans la maison.

Placés

Ma mère n’avait aucune autorité. Face aux caprices de mon petit frère, elle se laissait souvent faire. Quand mon frère a eu 3 ans, et grâce aux conseils de « Super Nanny », j’ai décidé d’instaurer des règles à la maison : mon frère devait être respectueux, ne pas faire de caprices et ne pas trop utiliser les écrans. Au fil du temps, et face au je m’en foutisme de ma mère, j’ai fini par devenir la cheffe de famille et donc la « maman » de mon petit frère. Il n’écoutait que moi. Je m’occupais de toutes les tâches : gérer les courses, le planning des repas, faire la cuisine, le linge, etc.

Plus le temps passait, plus ma mère se détachait de ses responsabilités : faire le ménage, venir aux réunions parents-profs, aider mon frère à faire ses devoirs. Au bout d’un moment, je n’arrivais plus à gérer mon rôle de mère par procuration et le fait d’aller à l’école. Des éducateurs et des assistantes sociales sont venus voir comment ça se passait à la maison. Ils ont pris la décision de nous placer mon frère et moi mais dans des endroits différents. Malgré tout, on reste en contact tous les deux. Je l’appelle tous les mardis soir et on se retrouve chez notre mère le weekend.

Aujourd’hui, il a 10 ans et moi j’en ai 19. Mais j’ai l’impression qu’on a grandi plus vite que ce qu’on aurait dû. Ma mère, elle, ne s’est toujours pas remise en question. Elle ne s’est pas battue pour récupérer ses enfants. C’est comme si elle avait totalement démissionné.

Lilia, 19 ans, en formation, Roubaix

 

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