Morgane T. 11/07/2023

Émétophobie : j’aimerais juste qu’on m’écoute

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Depuis qu'elle a cette phobie, Morgane fait des crises de panique et perd du poids. Malgré ses appels à l'aide, elle se heurte toujours à l'incompréhension de sa mère.

Je suis atteinte d’émétophobie, la phobie de voir quelqu’un vomir ou de devoir vomir. Chez certaines personnes cela peut engendrer des troubles alimentaires ou de l’anxiété. Elle peut conduire à se restreindre sur certains aliments ou à éviter les événements où certaines personnes peuvent vomir tels que les fêtes, les restaurants, les transports et bien d’autres encore.

Le 13 mai 2021. Ce jour-là, cette phobie s’est déclenchée quand mon ex est venu chez moi. J’étais stressée à l’idée de manger devant lui car ça ne m’était jamais arrivé. Quand ma mère nous a servi à manger, j’ai commencé à avoir la boule au ventre et je ne voulais pas. Malheureusement, mon ex ainsi que mes parents m’ont forcée à manger. Selon eux, j’étais déjà très « fine » et j’avais l’habitude de bien manger à chaque repas. Je me suis forcée pour eux, mais je n’aurais pas dû.

Quelques minutes après, pour la première fois, j’ai fait une crise de panique. Elle s’est exprimée par l’incapacité d’avaler de la nourriture, des sueurs chaudes et des tremblements, par peur de vomir devant tout le monde. Je ne pensais pas que c’était le début d’un cercle infernal.

Je ne mangeais plus

En août, quand je devais aller voir mon ex, mes crises se sont amplifiées. J’avais l’impression d’avoir une boule dans la gorge et dans le ventre, je tremblais pendant des heures. J’avais des bouffées de chaleur tout en ayant la nausée et des remontées. Je ne pouvais plus manger normalement : je ne mangeais pas pendant des journée entières, ou juste une petite bouchée de gâteau pour trois jours.

J’avais des énormes brûlures à l’estomac et je ne pouvais plus dormir. Mes pensées n’arrêtaient pas de me dire que j’allais vomir. Je demandais souvent à aller à l’hôpital, en pensant qu’ils pourraient m’aider. Au lieu de cela, les médecins me disaient que je faisais exprès pour attirer l’attention. J’ai quand même été hospitalisée, car j’avais perdu plus de 4 kg en moins d’une semaine. Les médecins m’ont dit que si je voulais avoir de l’aide, il fallait que je me force à manger. Je voulais juste qu’on prenne le temps de m’écouter et de me comprendre.

Je n’arrive toujours pas à manger de tomates, de choux-fleurs, de patates et de kebabs. Ça me donne mal au ventre et je fais des petites crises de panique. Je suis incapable de manger au restaurant ou entourée de plus de trois personnes. Aux repas de famille, je fais exprès de bien manger avant, comme ça je n’ai plus faim au moment du repas. Mais ma famille continue de me faire des remarques du genre : « Tu ne manges jamais rien de toute façon » ; « Faudrait peut-être enfin te forcer à manger si tu ne veux pas finir avec une perfusion » ; etc.

Ma mère ne cherche pas à comprendre

J’ai essayé d’en parler à ma mère. Je pensais qu’elle pourrait enfin tenir son rôle de mère et essayer de me comprendre. Au lieu de ça, elle a dit à tout le monde qu’elle était déçue de moi et que c’était de ma faute si elle n’allait pas bien. Elle n’a pas du tout été compréhensive.

Quand je faisais des crises de panique, elle soupirait en disant que je la saoulais. Donc dès que j’en faisais, je me cachais à l’abri des regards pour ne pas déranger. Soit dans des toilettes quand je n’étais pas chez moi, ou sinon dans ma chambre. À l’école, les cours étaient trop silencieux, je n’arrêtais pas de penser à mon mal de ventre dû au fait que je ne mangeais pas beaucoup. Je faisais des crises de panique et je demandais aux surveillants d’appeler ma mère pour rentrer chez moi. Mais elle gueulait sur les surveillants, soit-disant « trop gentils » avec moi alors que je devais rester en cours.

J’apprends à vivre avec

Heureusement, ma prof de maths m’a comprise. Elle m’aidait à gérer cette phobie et cherchait des solutions. Par exemple, elle me lançait des petits défis et des objectifs pour manger un petit peu, et elle prenait souvent de mes nouvelles. Quand j’en ai parlé à mes amis, ils ont tous compris. Dès que j’ai du mal à manger, ils sont toujours là pour me soutenir. Ma meilleure amie me prend des gâteaux ou des compotes pour que je mange un peu avec elle.

J’apprends à vivre avec cette phobie au quotidien. J’ai du mal à rester dans la même pièce que des enfants malades ou qui pleurent. Quand je regarde un film ou des vidéos sur les réseaux, j’évite toutes les scènes où les gens crachent ou vomissent, pour ne pas que mes pensées restent focalisées dessus.

J’attends à présent mes 18 ans pour aller voir un psychiatre. Il me dira si je fais de l’anorexie restrictive (une forme d’anorexie où on ne vomit pas), ou si ce sont des problèmes d’anxiété et de stress. Pour l’instant, ma mère refuse que j’aille voir un professionnel de santé. Elle croit toujours que c’est pour avoir de l’attention, alors que c’est un réel problème qui prend trop de place dans mon quotidien.

Morgane, 16 ans, lycéenne, Seine-et-Marne

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