Lea V. 10/03/2023

Mon enfance entre la métropole et la Guyane

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Fille de militaire, Léa a déménagé en Guyane à 6 ans. Après trois ans de bonheur, son retour en métropole fut compliqué, surtout à l'école.

Mon père est militaire. Un jour, il nous a annoncé que nous allions partir quelque part. J’avais 6 ans. Nous devions choisir parmi une liste de destinations pour sa mutation. Je ne me souviens pas très bien, mais il me semble que la Guyane était loin d’être notre premier choix. Mes parents avaient d’abord choisi l’île de la Réunion.

Quelques mois plus tard, on nous a annoncé qu’on partait en Guyane pendant trois ans. Mes parents n’étaient pas du tout heureux. De mon côté, je m’en fichais un peu, mais j’avais quand même un peu d’appréhension. J’entendais que la Guyane était un endroit dangereux et je ne voulais pas quitter mes amis pour aller dans un pays que je ne connaissais pas. J’étais petite, alors je croyais même que là-bas on ne parlait pas français.

J’ai donc quitté mon école privée en France pour aller avec toute ma famille dans un pays dont je ne connaissais même pas l’existence il y a quelques mois. Mon père était parti un mois avant nous pour installer la maison et voir notre magnifique chiot que nous avions adopté.

L’arrivée en Guyane française

Nous sommes arrivés à l’aéroport Félix Eboué à Cayenne pour commencer une nouvelle vie ! Au début, je ne pouvais pas dire que j’étais ravie. Il faisait très chaud toute l’année, très humide et des conditions météorologiques avec seulement deux saisons : saison sèche où il ne pleut jamais, et la saison des pluies ou il peut pleuvoir sans arrêt pendant six mois. Rien d’attrayant, n’est-ce pas ? Et pourtant, ça a été les trois ans les plus fantastiques de ma vie.

La reprise des cours a été très étrange pour moi. Il fallait passer d’une école privée en métropole à une école publique en Guyane… Mais je me suis très vite fait des amis. J’étais en CE1 et, au bout de deux mois, je me suis habituée aux cours, à la chaleur, et à la culture.

Une autre façon de vivre

Il y a tellement de choses différentes en Guyane. La sociabilité par exemple. Quand tu parles à quelqu’un, on ne te juge pas, c’est comme si tout le monde se connaissait. Il y a aussi la diversité qui change. Dans ma classe, il y avait des enfants qui venaient de plein de pays : le Brésil qui est à côté, le Suriname et Haïti.

Les activités sont aussi très différentes. J’ai dormi dans un carbet (une petite cabane en bois sans murs) en hamac pendant quelques week-ends. Je suis allée à l’Îlet La Mère, une île remplie de saïmiris. Ce sont des petits singes qui peuvent venir sur toi.

Je me suis réveillée à 4 heures du matin pour observer les tortues luth pondre sur la plage. J’ai été voir les fusées décoller le soir. J’allais à la plage après l’école avec mes amis. Nous avons rencontré beaucoup de nouvelles personnes formidables. Plus les mois avançaient, plus je réalisais à quel point ça allait être dur de partir d’ici.

Le retour en métropole

Quand après trois ans notre séjour fut terminé, j’étais partagé entre plusieurs émotions. D’abord la tristesse de devoir partir de cet endroit magnifique, la joie de revenir pour voir ma famille et mes amis en métropole, mais aussi la colère. On m’avait emmenée ici et, maintenant, on devait partir. Ma vie était là-bas, avec mes amis et des personnes auxquelles j’étais attachée. J’ai d’abord cru que j’allais retourner dans ma ville natale où j’avais mes amis, c’était ce que mes parents m’avaient promis avant de partir en Guyane. Mais ma joie a vite disparu quand j’ai appris que je n’y retournerai pas.

J’allais quitter la Guyane pour une nouvelle ville où, à part mes parents et mon frère, je ne connaissais personne. Et je ne voulais pas connaître d’autres nouvelles personnes. Je voulais seulement retourner dans la ville où j’avais grandi ! Mais bon, à 9 ans, je n’avais pas vraiment le choix, j’allais suivre mes parents de toute façon.

Un nouveau départ… encore

En arrivant, je n’avais pas fini mon CM1 mais je ne suis retournée à l’école qu’en CM2. Le niveau scolaire n’était pas du tout le même en Guyane. En Guyane, je n’avais pratiquement pas fait d’histoire ni de géographie ; pour tout dire je ne savais pas où était le Portugal. Je ne connaissais pas les dates des guerres mondiales à mon retour. À la rentrée, j’ai senti dès le premier jour que ça se passerait mal, et j’avais raison. Je ne me suis jamais sentie aussi seule, j’avais peut-être des manières ou une façon de penser différente ? Tout ce que je sais, c’est que personne ne voulait me parler. Ça m’a beaucoup changée car jamais cela ne m’était arrivé en Guyane.

Un an plus tard, en sixième, c’était encore pire, j’ai subi du harcèlement. Tout ce que je voulais, c’était retourner en Guyane. Tous les soirs, je pleurais en rejetant la faute sur mes parents qui m’avaient fait changer tellement de fois d’endroits. Qui m’avaient amenée ici où je ne connaissais personne et où je me sentais tellement rejetée.

Vers la fin de ma sixième, mes parents se sont séparés. J’ai donc changé de collège pour mon plus grand bonheur. Plus personne de mon ancien collège ne m’a recontactée. Maintenant, je suis en troisième. Ma vie a bien changé. Ça se passe plutôt bien. La Guyane me manque toujours, mais je n’y pense plus tous les jours.

Léa, 14 ans, collégienne, Pau

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