Garance D. 14/03/2023

Fan de foot et de littérature

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Garance ne connaît pas ses ancêtres, mais a hérité de ses parents un univers culturellement riche, fait de livres et de matchs du PSG.

Je suis passionnée par le football et la littérature. Cette phrase toute simple a pourtant l’habitude de parer le visage de mes interlocuteurs d’un voile d’étonnement qui arrondit leurs sourcils et courbe leurs lèvres en un sourire rieur. « Football » et « littérature » sont deux mots qu’il nous semble si incongru d’unir en une même phrase qu’ils paraissent presque antinomiques.

Ma mère a toujours été passionnée par la littérature, mon père a toujours adoré jouer au football et supporter son club favori, créé l’année même de sa naissance, le PSG. Pendant longtemps, ma personnalité naissante et toute modulable d’enfant s’est inspirée de l’un comme de l’autre de façon égale, et j’ai aimé les livres que me procurait ma mère, et j’ai aimé le foot que me présentait mon père. Puis, petit à petit, je me suis appropriée ces deux choses si différentes pour faire naître en moi une nouvelle identité.

J’ai lu mes propres livres, écrit mes propres textes, aimé mes propres proses. J’ai joué à mon propre football, j’ai regardé mes propres équipes, j’ai supporté mon propre club. De la mère passionnée de littérature contemporaine est née une fille passionnée d’Alexandre Dumas, du père admirateur du PSG est née une fille admiratrice du Bayern Munich.

La solitude en héritage

Je suis fille unique de fille unique. Ma mère n’a que ses parents, mon père n’a que nous et son grand frère. J’ignore d’où je viens, qui sont mes ancêtres, qui sont mes grands-parents, qui sont leurs parents. Mon cercle familial s’en trouve réduit « par défaut », et les rares bribes qu’ils pouvaient en rester ont été perdues par des disputes bien plus vieilles que ma naissance, plusieurs décès du côtés de mon père, et un éloignement fatal produit par l’accumulation de ces deux choses. En fin de compte, je n’ai eu que moi, et cette solitude a été, dans un premier temps, une forme d’héritage.

J’ai appris à vivre avec moi-même, et je n’ai jamais eu peur du silence. Étant ma seule compagnie, j’ai créé autour de moi, dès ma plus tendre enfance, un monde dense qui n’existait que pour moi, et qui me peuple encore aujourd’hui. Les bases de cet univers, si elles ne viennent pas d’un grand héritage générationnel, me viennent de la main plus modeste mais tout aussi primordiale de mes parents.

Neutraliser les tirs puissants de mon père

Le week-end, j’allais jouer au foot avec mon père dans le petit parc de ma ville qui se trouvait juste derrière l’église, et nous nous échangions de longues heures durant des passes contre ses murs de pierre. Le soir, quand le beau temps arrivait et que le soleil retardait sa chute sur l’horizon, nous allions à Créteil où des tonnes de terrains de foot étaient laissés à la disposition du public. J’adorais rester dans les cages et tenter de neutraliser les tirs puissants de mon si grand père du haut de mon mètre 30.

Il nous est même arrivé d’aller voir des matchs de foot tous les deux, dont le premier, lorsque j’étais en CM2, opposait Saint-Étienne au PSG. Je m’en souviens comme si c’était hier : le PSG a gagné 5 à 1, et moi, j’ai gardé nos deux billets dont le texte a été effacé par les années sur le mur au-dessus de mon bureau.

Lire dans le lit avec ma mère

En semaine, je me glissais dans le lit de mes parents et nous lisions avec ma mère jusqu’à ce que le sommeil me vienne. Alors, je m’endormais à ses côtés et mon père me portait jusque dans mon lit. Chaque fois, ce geste me réveillait, mais je faisais semblant de dormir encore pour rester un peu plus longtemps dans ses bras.

Elle m’a toujours laissée choisir les livres que je désirais lire, même lorsqu’il n’y avait pas la moindre chance que je les comprenne, car elle voulait que je connaisse de moi-même mes limites, mes envies, et que je me forge un chemin sinueux dans ce monde qu’elle aimait tellement. Je me souviens d’un livre sur Moïse dont je n’ai pas dépassé la deuxième page, et même d’un livre d’horreur qui m’a fait faire des cauchemars trois ou quatre nuits de suite. À l’inverse, j’ai découvert des livres que j’adore encore aujourd’hui, comme Le Passeur de Lois Lowry, que j’ai lu à 10 ans.

Maintenant, elle me donne libre accès à sa bibliothèque, dans laquelle je puise de très vieilles éditions. L’une d’elles a même été publiée pendant la guerre franco-prussienne, en 1870. J’ignore comment il a fini entre nos mains.

Une richesse à transmettre

Aujourd’hui, ma mère est très fière que sa progéniture fasse des études de lettres, et mon père est très fier de voir que j’ai su m’approprier le football qu’il m’a transmis en supportant mon propre club. Ma mère et moi ne ratons pas une occasion de lire toutes les deux, quant à mon père et moi, un monde dans lequel nous raterions un Bayern – PSG en Ligue des champions n’existe pas encore !

Je n’ai peut-être que deux grands-parents, je n’ai peut-être aucune histoire, mais mes parents ont leur propre identité, et c’est par cela que j’ai su créer la mienne. Parce que c’est cela un héritage : la conjugaison de choses que l’on n’aurait jamais imaginé voir cohabiter sur le même terrain, l’élargissement des cultures, des passions, des vies. Peut-être que je le transmettrai moi-même un jour.

Garance, 19 ans, étudiante, Val-de-Marne

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