Maya M. 30/06/2022

Femme d’un milieu populaire, je vais casser le plafond de verre

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En tant que femme de milieu modeste, Maya est consciente des obstacles qui l’attendent sur le marché du travail. Mais elle est déterminée à réaliser ses ambitions.

Depuis que je suis enfant, j’essaie toujours d’atteindre mes objectifs. Mais comme je suis une femme, il y a beaucoup d’obstacles. J’en ai pris conscience vers mes 7 ans. Les deux meilleurs dans ma classe, c’étaient une fille et un garçon. Notre prof n’arrêtait pas de féliciter le jeune homme. Alors dans la classe on a décidé que les cinq meilleurs ne seraient dorénavant que des filles. Quand on ne comprenait pas, on s’entraidait entre nous et on faisait en sorte d’avoir une moyenne supérieure par rapport au semestre précédent. Pour nous, c’était une façon de se démarquer et d’avoir l’avantage.

Famille d’un milieu populaire

Je suis une fille, une étrangère en France, qui vient des quartiers populaires. Et mon entourage ne travaille pas dans le domaine dans lequel je veux travailler : le commerce de luxe. En Haïti, ma famille vient de la campagne. Ce sont des commerçants des rues, des maçons, des agriculteurs, des éleveurs et quelques professeurs. Dans ma famille en France, la majorité des hommes travaillent dans le bâtiment et les femmes travaillent dans le ménage. Et celles qui ont fait des études sont souvent dans la comptabilité ou la gestion.

J’essaye toujours d’avoir une bonne moyenne pour pouvoir exercer plus tard un métier que je choisirai, car on nous colle une étiquette avec les postes qu’on devrait occuper. J’essaye de dépasser les obstacles pour avoir le choix, le choix de mon avenir professionnel, le choix de mon futur poste. Je veux un poste haut placé pour avoir le pouvoir de prendre des décisions, le pouvoir de diriger. Car dans la société les gens qui n’ont pas le choix se font marcher dessus, ils se font exploiter, et doivent faire ce que les autres décident.

Si une femme a un poste haut placé, ou gère quelque chose, ils s’attendent à ce qu’elle chute, pour pouvoir dire que c’est une femme et qu’elle est responsable. J’avais une voisine, en Haïti, son mari avait été tué. Ils avaient une boutique. À la mort du mari la boutique a fait faillite car elle devait s’occuper seule de ses trois enfants. Les gens de la famille de l’homme ont dit : « La boutique a fait faillite car c’est la femme qui la gérait. Si c’était le mari, tout aurait continué à fonctionner. »

Programme : réussite

En première, j’ai candidaté au programme PQPM de l’ESSEC qui a un partenariat avec mon lycée. Je me suis dit : « Une grande école, pourquoi pas moi ? » Et après entretien, j’ai été acceptée. Le programme consiste à nous aider à travailler notre oral en faisant des séances de 3 heures tous les samedis et des ateliers pendant les vacances qui concernent le théâtre, la connaissance de soi et dle journalisme. Nous faisons aussi des sorties culturelles.

Au début de la rentrée 2021, pendant ma classe de terminale, on a reçu un mail sur Pronote qui nous présentait le programme Capital Filles de la fondation de Deloitte. Ce programme a pour objectif d’accompagner les jeunes filles de quartiers populaires et de zones rurales, avant tout pour réduire le déséquilibre injustifié de réussite entre les filles et les garçons.

J’ai envoyé ma candidature, et j’ai aussi été acceptée. Son action repose sur « l’engagement conjoint de marraines », ce qui m’a permis d’avoir une marraine dans le monde professionnel. Elle m’aide dans la recherche d’école après le bac, pour Parcoursup. Et le fait d’avoir quelqu’un d’extérieur qui m’aide, ça fait du bien.

J’ai candidaté pour aller dans une école prépa privée, au Lycée Notre-Dame du Grandchamp qui se trouve à Versailles. Ils ont des classes préparatoire d’ECT (Économie commerciale voie technologique) en Île-de-France. Leurs élèves ont pu intégrer le top 5 des grandes écoles de commerce. Je veux intégrer une grande école.

Je vais réaliser mon rêve

Comme c’est loin de chez moi, j’ai fait le calcul de mon budget à mon père. Pour les frais de scolarité c’est environ 2 600 euros sans bourse. Et il y a d’autres frais. Ce serait difficile pour mon père, parce qu’il travaille dans le bâtiment. Mais il peut commencer à économiser, et la scolarité peut être payée en plusieurs fois. Mais il ne veut rien dépenser.

Alors pour le convaincre, comme c’est plus cher en Haïti, je lui ai dit : « Et si j’étais pas en France, est-ce que tu aurais payé pour l’université ? » Il a dit que si j’étais pas en France, je serais déjà enceinte. On dirait qu’il ne pensait même pas à m’aider, et qu’il avait déjà une excuse. J’ai envoyé ma candidature mais je ne sais pas si je vais être acceptée. Il n’a rien dit. Et je ne sais pas s’il paiera.

Quand j’aurai les moyens, je voudrais parrainer les jeunes femmes dans les quartiers populaires qui veulent réaliser leur rêve. Je ne veux pas qu’il y ait des gens qui se bloquent eux-mêmes, à cause des moyens financiers qu’ils n’ont pas et de leurs quartiers qui sont défavorisés.

J’aimerais avoir un diplôme en marketing spécialisé dans le luxe dans une des grandes écoles de commerce et être responsable marketing. Je pense que je vais réaliser mon rêve. J’aime les défis, car c’est une façon de me surpasser. Et je suis toujours motivée !

Maya, 19 ans, lycéenne, Saint-Denis

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