Marc T. 14/06/2023

Football : du village à la ville

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Les habitants du village de Marc se sont cotisés pour qu'il intègre un centre de formation. Mais en ville, il n'a trouvé que du mépris.

Je joue au foot depuis que j’ai 6 ans. Mon plus grand rêve, c’est de devenir l’un des plus grands joueurs du monde. Pour y arriver, je devais tout d’abord intégrer un bon centre de formation. Mais les moyens ne me le permettaient pas car mes parents en Côte-d’Ivoire sont très pauvres.

Du coup, je jouais avec des amis dans le quartier de mon village, Kogodekro. Tous les villageois étaient unanimes : j’avais un talent hors du commun. C’est comme ça qu’ils ont décidé de cotiser de l’argent pour m’envoyer en ville, à Bouaké, et poursuivre mes rêves de footballeur.

Avant de partir, j’ai reçu la bénédiction de mes parents et celle de tous les villageois. J’ai pris le car pour la ville. Une fois arrivé là-bas, j’étais ébloui par tout ce que je voyais, c’est très différent du village. Il y avait de belles constructions et beaucoup de monde.

Je n’avais pas de chaussures

Le jour du test, quand je suis arrivé sur le terrain, il y avait plein d’autres jeunes. Mais nous étions très différents car moi, je venais d’un village et eux, d’une ville. Certains me disaient que mon travail était dans les champs et non sur un terrain de foot.

Je n’avais pas de chaussures pour jouer. Quand j’en ai demandé, ils m’ont répondu qu’ici, on ne donnait pas de paires gratuitement. Je devais donc jouer avec mes caoutchoucs, ou sans chaussures. Sur le coup, j’ai failli pleurer, mais je suis resté fort comme le disaient mes parents.

À la fin du test, le coach n’était pas content de ma performance. J’étais tellement abattu que j’ai fait une prière. Un homme dans les tribunes était venu voir le test, il m’a proposé de venir jouer dans son équipe. Le coach a directement accepté car il voulait « se débarrasser de ce villageois ». L’homme m’a pris dans sa voiture et nous sommes allés chez lui.

Arrivé là-bas, j’ai compris qu’il vivait dans une belle et immense maison. Il m’a dit de faire comme chez moi. J’avais tellement honte, mais après, c’est passé. À chaque entraînement je me donnais à fond, sans tricher parce que je savais qu’il y avait tout un village et mes parents qui comptaient sur moi.

J’ai fini par y arriver

Les années d’entraînement sans relâche finissent par payer, le coach fini par me mettre dans son équipe A. J’étais le gamin de l’équipe. J’arrivais à grappiller quelques minutes de jeu (quinze, vingt minutes). Les plus grands me disaient que j’avais beaucoup de potentiel et un talent enfoui. Mais que pour le révéler, il fallait rester concentré, continuer à travailler, et que je devais avoir confiance en moi car c’est ce qui fera la différence.

Puis j’ai intégré l’équipe en tant que titulaire malgré mon jeune âge. À la fin du championnat, j’avais inscrit quinze buts et dix passes décisives. C’est comme ça que les médias ont commencé à me suivre de près. Je recevais de l’argent de partout. J’en envoyais à mon village et à mes parents car, si j’en suis là aujourd’hui, c’est grâce à leurs efforts et leurs sacrifices.

Après des années passées en ville, j’ai décidé de rentrer au village. Mais soudainement, j’ai perdu toutes mes forces. C’était la misère, comme si l’on m’avait ensorcelé, je ne pouvais plus rien faire. Mon papa était devenu très violent envers ma mère, il la frappait et l’a rendue handicapé. C’est pour cette raison que j’ai décidé de quitter la maison. Elle m’a conseillé d’aller chez son ami qui pouvait m’aider. Je suis resté un moment chez lui.

Le football en France, c’est autre chose

C’est en 2022 qu’il a l’idée de m’envoyer en Europe. On fait le voyage en juillet où l’on passe par le Mali, l’Algérie et le Maroc. Moi, j’étais obligé de faire la manche pour avoir à manger. Puis avec l’ami de ma mère, on s’est perdu de vue. Je suis monté dans un bateau qui m’a emmené en Espagne, c’est comme ça que je suis arrivé en France. Ici, dans le football, les choses sont bien différentes : il y a de beaux terrains, les ballons sont bons et les entraîneurs connaissent très bien leur travail. À vrai dire, je m’épanouis beaucoup. Alors, je me suis dis que la providence ne m’avait pas laissé tomber.

Aujourd’hui, mon rêve est de pouvoir, un jour, conclure un contrat professionnel avec une grande écurie européenne. Cela me permettra d’aider les plus démunies comme le font certains grands joueurs comme Marcus Rashford, Sadio Mané et plein d’autres. Si j’atteins cet objectif, alors je serai reconnaissant de donner au football ce que la vie m’a donné.

Marc, 15 ans, Paris

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