Pablo M. 05/12/2022

Les fourmis, mon déclic politique

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Pablo a été inspiré par les fourmis pour construire son engagement politique. Il en a même deux tatouées sur la jambe pour ne jamais oublier.

Je suis militant associatif et politique. Je suis également captivé par les fourmis. Pour moi, ces deux réalités sont indissociables. Je crois même pouvoir dire que mes convictions idéologiques sont nées de toutes ces heures que j’ai passées enfant, accroupi dans la terre, à observer le ballet fascinant des insectes.

Les fourmis ressemblent beaucoup aux humains. Elles créent par exemple des sociétés très complexes au sein desquelles s’organise une division du travail assez stricte. Certaines espèces pratiquent l’élevage et l’agriculture, enterrent leurs morts, savent naviguer… En réalité, elles connaissent la plupart des activités « typiquement humaines » depuis des millions d’années. Des plus anodines comme le tissage ou la fabrique de « pain » aux moins sympathiques, comme l’esclavage ou la guerre.

Certains ont forgé leurs opinions en étant révoltés par ce qui arrivait à leurs proches. Pas moi. Je venais d’un quartier aisé et sans histoires. J’ai simplement été inspiré par l’idéal de communauté de ces insectes. Je suis bien conscient que nous sommes des mammifères et que nos réalités sont bien différentes, mais tous mes complexes ou problèmes existentiels trouvaient toujours une réponse chez les hyménoptères.

La fourmi, notre voisine

Petit, je n’avais pas beaucoup d’amis. Mais, partout où j’allais, je voyais des fourmis : dans les arbres, dans la terre et même sur le sol de ma cuisine… J’ai vite découvert par l’observation et dans les documentaires que je regardais ce qui manquait le plus douloureusement à mon quotidien. Leur hyper-sociabilité, leur sens de la communauté, leur altruisme et leur solidarité à toute épreuve. La fourmi est très prêteuse, contrairement aux préjugés véhiculés par les fables de La Fontaine : si personne ne partageait son goûter avec moi, j’observais mes protégées se nourrir mutuellement. C’est donc un peu grâce à la trophallaxie que je suis devenu socialiste, au sens large du terme.

Je n’aimais pas voir des SDF dormir dans la rue ou mendier pour manger. Les fourmis n’ont pas de classes sociales et chacune aura toujours autant que sa voisine. Je n’aimais pas la rigidité du système scolaire ni les règles que je jugeais arbitraires, imposées par la société ou par mes parents. Les fourmis n’ont pas de système d’autorité et fonctionnent par une forme de « démocratie directe » parfaitement décentralisée. Je n’aimais pas que l’on me pousse à être « un vrai mec », à jouer au foot ou à masquer mes émotions. Il s’agit d’une société presque exclusivement féminine.

En somme, les étudier m’a rendu réceptif aux théories anarcho-communistes quand je les ai découvertes à l’adolescence. J’ai donc longtemps voulu devenir une fourmi.

À la saison nouvelle

Grandir a compliqué mes desseins. J’avais des études à finir, des engagements militants à honorer, un foyer naissant auquel je souhaitais me consacrer… et, fatalement, moins de temps pour m’occuper de cette passion. En m’éloignant de mes « camarades », j’ai oublié le droit à la paresse, étouffé mes besoins psychologiques profonds, fait taire mon désir d’émancipation et d’autonomie…

Mes rêves ont définitivement volé en éclat il y a quelques années. À la suite d’une déception sentimentale, je suis entré en dépression très profonde. Je ne croyais plus en rien, et surtout pas en l’humain. Je ne voyais que son égoïsme et ses pires travers. Les actions que je menais ne changeaient rien à la vie concrète des gens et le découragement m’a mis en grave danger.

À l’hôpital, j’ai passé de nouveau des heures dans le jardin à m’amuser de voir comment ces petites créatures merveilleuses parvenaient à s’infiltrer partout et résoudre des problèmes super complexes. Puis, je me suis souvenu de ce qui m’avait poussé à m’engager pour un meilleur monde. J’ai réessayé d’appliquer la méthode fourmi : aider petit à petit chacun, faire passer mes envies égoïstes après le collectif et laisser mon ego de côté… Je crois qu’en quelques semaines, j’ai vraiment réussi à changer profondément la vie de certains patients. Finalement, en m’inspirant de mon animal préféré, je suis devenu une meilleure personne. Pour la première fois, j’ai eu l’impression de faire réellement la différence.

Pour ne plus jamais oublier cet idéal, je me suis fait tatouer sur le mollet droit deux fourmis en train de partager de la nourriture et de communiquer par le contact de leurs antennes. Chaque matin, dans la douche, je suis remotivé à la simple vue de ce dessin. Je regagne l’énergie nécessaire pour continuer mon travail sur moi-même et, je l’espère, sur les gens qui m’entourent.

Pablo, 25 ans, volontaire en service civique, Lyon

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2 réactions

  1. Une résilience venue des fourmis et très inspirante

  2. Le Monde fascinant des fourmis expliqué par un garçon fascinant…

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