En France, j’ai trouvé un nouveau coeur
Je jouais dans un petit club de foot en Algérie. Il y a 2 ans, à 19 ans, j’ai commencé à me sentir très fatigué à la fin des matchs. Puis j’ai commencé à avoir du mal à monter les escaliers, à ne plus pouvoir aller à l’école. J’étais très vite essoufflé. Le médecin a fait un examen et il m’a dit d’aller à l’hôpital en urgence. Il fallait que j’aille dans la ville de Stiff.
Là-bas, ils ont trouvé quelque chose de grave à mon coeur. Je suis resté deux mois sans bouger, à l’hôpital. Il n’y a que mon père qui savait ce que j’avais exactement car moi on ne me disait pas les choses. Un jour, le médecin a dit à mon père que mon coeur allait s’arrêter. Mon cœur battait à 10 pulsations minute, je ne sentais plus mes pieds.
Un visa touristique mais pas de tourisme au programme
On a fait un visa touristique de 15 jours en urgence, puis j’ai pris l’avion tout seul, en fauteuil. Heureusement que quelqu’un m’a aidé pendant le voyage. Je suis arrivé à Roissy où un ami de la famille m’a récupéré et amené directement à l’hôpital Lariboisière.
Le médecin a dit qu’il ne savait pas si j’allais vivre et m’a branché un cœur artificiel pendant 10 jours. Puis on m’a transféré à Bichat et on m’a annoncé que j’allais être greffé. Si j’acceptais, je devais signer un papier pour dire que je restais en France. Bien sûr que j’ai accepté, je n’avais pas le choix !
Mais je n’avais pas de carte Vitale et pas d’Aide Médicale. On m’a dit qu’il fallait donc trouver plus de 150 000 euros pour l’opération. En 4 jours, grâce à une association et à des gens que je ne connais pas, j’ai eu l’argent… Ces gens sont ma nouvelle famille, ils ont fait beaucoup pour moi et j’ai beaucoup de chance d’être tombé sur des gens qui aident encore. Ils m’ont accompagné du début à la fin. Jusqu’à maintenant je reste en contact avec eux.
En attendant l’opération, ils m’ont donné un médicament pour reposer mon coeur. Ils m’ont dit que j’étais sur une liste d’attente. Je suis resté à l’hôpital jusqu’au jour où, en décembre, j’ai été appelé pour l’opération. Hamdoulilah.
Nouveau coeur, nouveau pays, nouvelle année
Je suis resté 15 jours dans le coma. Je me suis réveillé avec un nouveau cœur. L’infirmière m’a demandé si je savais où je me trouvais, je ne parlais pas français… et j’avais perdu ma voix à cause du tube plongé dans ma gorge. J’ai répondu : « Je suis en Algérie, on est en 2018. » Tous les jours, elle revenait me voir pour m’apprendre, petit à petit, la réalité : j’étais en France, en 2019.
Je ne contrôle plus mon pied gauche et mon corps tremble. Je suis resté en observation plusieurs jours puis j’ai commencé à marcher. On m’a transféré dans une maison de repos, à Taverny, pendant 4 mois. Là-bas, j’ai fait des séances de kiné, du « sport », des soins…
Je dois prendre des médicaments toute ma vie, sinon mon corps fera un rejet de la greffe. Je devais faire des biopsies tous les 15 jours, puis tous les 20 jours, puis tous les mois, tous les 2 mois et aujourd’hui, tous les 3 mois. Je ne suis pas comme avant, je ne peux pas courir, je ne peux pas monter bien les escaliers. Je ne peux pas faire beaucoup de choses mais les médecins me disent que ça va s’améliorer.
Je peux jouer un peu au foot
On n’a pas le droit de dire à qui est le cœur qui a été greffé donc j’ai fait mes recherches. J’ai trouvé l’histoire d’un jeune de 26 ans qui a eu un accident de la route la nuit de mon opération. Alors je pense que c’est le sien, car les docteurs m’ont dit que c’était un homme de 25-26 ans. Je dis toujours : « Hamdoulilah, on m’a donné une nouvelle vie. »
Deux ans plus tard, la santé ça va, la greffe a bien tenu. Les médecins disent que tout va bien, que les choses vont s’améliorer. Je dois marcher et faire des séances de kiné. Je joue un peu au foot : je peux courir tout doucement, à peu près 7 min. Quand je fais des efforts, mon coeur monte vite. Je dois éviter le sel sinon je gonfle et je dois éviter le sucre.
Moralement… j’évite de dire aux gens ce que j’ai. J’aime pas la vision des autres. On me dit « Meskine » et je sens que je ne suis pas comme les autres. Dans la piscine, c’est très gênant à cause de la cicatrice.
Certains n’ont pas ma chance
Je me sens unique, personne n’a eu de la chance comme moi. Je profite. Si vous questionnez tout le monde ici, ils diront : « Je suis jeune ! » Moi je sais que la vie est courte et je sais aussi qu’il n’y a que Dieu qui décide.
Même si, comme moi, on te dit que tu vas mourir, il faut garder espoir. Dieu m’a donné une nouvelle vie. Je connais beaucoup de gens comme moi que j’ai croisé à l’hôpital. J’ai vu une fille qui a fait une greffe, comme moi, mais elle est morte car l’opération n’a pas fonctionné.
Maintenant je veux faire des choses que j’aime, travailler pour avoir un peu d’argent, peut-être devenir comptable car c’est ce que j’étudiais au pays.
Ahmed, 24 ans, en formation, Chantilly