Je dois gérer l’angoisse de mes parents à Mayotte

Quitter Mayotte pour venir habiter seule en métropole a été dur pour moi, mais surtout pour mes parents. Je suis l’aînée de la famille et la première à partir. Je sens qu’ils ont peur pour moi, je le sais. Et cette peur, ils me la montrent sous forme de pression.

Tous les soirs, après les cours, ils m’appellent et j’ai toujours le droit, à la fin, à la morale : « J’espère que tu participes, on ne t’a pas envoyée là-bas pour faire la décoration ». Des heures au téléphone, tous les jours…C’est un peu pesant mais je sais qu’ils font ça pour mon bien, pour mon avenir. Et puis ça me fait du bien de les avoir au téléphone. Les voir quand on est en appel vidéo ou seulement les entendre m’apaise le cœur. Après ça, je peux dormir sur mes deux oreilles.

Peur que je change

Mon père et ma mère attendent de moi que je bosse et que je les dépasse en ayant un meilleur diplôme. En gagnant mieux ma vie qu’eux. Mon père est douanier et ma mère banquière. Tous les deux ont un bac général et ont poursuivi leurs études jusqu’à la licence. Ma mère a fait ses études en Bretagne, mon père, lui, est resté à Mayotte. Actuellement, je suis en BTS SP3S, une formation dans le sanitaire et social. Ma mère m’a dit de m’y mettre « à fond » dès le début.

À Mayotte, la population est en grande partie musulmane. Beaucoup de parents mahorais ont peur qu’en vivant en métropole, leurs enfants changent de religion, deviennent chrétiens, abandonnent l’islam. Avec mes parents, nous n’avons jamais eu de discussion par rapport à cela, mais je sais que ça les inquiète. Ils ont peur que je me fasse influencer par des mauvaises rencontres. Je suis sûre que mes parents viendront me voir l’été prochain avec mes petites sœurs. J’aurais préféré y aller mais s’ils viennent, c’est en fait pour voir où je vis et se rassurer.

Vivre seule, ça fait peur à mes parents

Ils s’inquiètent du fait que je vive seule dans un petit studio. Chez nous, à la maison, on avait l’habitude de vivre entre nous, tous les cinq. Ici à Brest vivent les trois neveux de mon père. Mon père leur demande de venir me voir au moins tous les week-ends, mais en même temps ça le stresse car l’un de mes cousins a arrêté l’école et là, il ne fait rien. Il a peur qu’il m’influence. Je m’entends super bien avec mes cousins, je sais que je peux compter sur eux, et puis c’est ma seule famille ici à Brest.

En vérité, je n’ai pas l’impression d’avoir changé. Et puis ça ne fait que quelques mois que je suis en métropole. Je n’ai pas envie de changer, je vais donc tout faire pour rester la même.

Ishma, 18 ans, étudiante, Brest