Aya N. 18/11/2022

Les guerres de quartier, cette banalité

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Aya a l’habitude de voir son quartier participer à des rixes. Même si ça l'impacte, elle le vit comme quelque chose de tristement « banal ».

Il y a à peu près un an, je reçois un appel de ma copine, un peu en panique. Elle me dit : « J’ai vu ton frère se faire planter, il est dans un camion de pompier… » Elle m’envoie sur Snap le sol avec du sang par terre. Quand j’étais plus jeune, j’avais déjà assisté à des rixes dans mon quartier. On se faisait crier dessus par les Grands qui nous disaient de rentrer. En grandissant, c’est devenu banal.

En recevant l’appel, je n’aurais jamais pensé que c’était ce qu’on allait me dire. On pense toujours que ça arrive aux autres et pas à nous. Il s’est fait planter aux genoux mais, heureusement, ce n’était pas si grave. Il est rentré à la maison le jour même. Je ne pouvais pas trop poser de questions parce que c’est un sujet sensible. C’est ce qu’il se passe tous les jours, avec d’autres personnes.

On croyait qu’on les aidait

Quand on voyait les garçons de l’autre quartier avec mon groupe de copines, on prévenait ceux de notre quartier pour qu’ils se préparent. Ça devenait amusant, on avait une sorte d’adrénaline. On disait : « Il y en a un avec un bâton, un autre avec une gazeuse. » On croyait qu’on les aidait, qu’on était stylées. Mais c’était n’importe quoi. On ne se rendait vraiment pas compte.

Il y a à peu près deux ans, la moitié de ma famille et moi avons déménagé dans le quartier « ennemi ». Ça faisait plus de dix ans qu’une demande d’appartement avait été lancée, car les délais pour les logements sociaux sont énormes. Donc forcément, en recevant l’appel, on était super heureux car on voulait une maison plus grande.

Après avoir signé le bail, on a décidé que mes grands frères allaient rester dans l’ancienne maison. Mes frères n’ont jamais mis un pied dans notre nouvelle. C’est nous, ceux qui avons déménagé, qui devions rendre visite au reste de la famille pour ne rien risquer.

On vit dans la peur

Personnellement, j’allais toujours dans mon ancien quartier. Nous, les filles, on était pas vraiment dans les embrouilles, c’est plutôt les garçons. Donc je suis toujours restée en contact avec mes proches de là-bas. Je n’ai rien changé, même mon centre d’animation, mon feu vert et tout le tralala. Ce sont des rixes qui ont commencé bien avant ma naissance, mais qui continuent aujourd’hui.

Ce sont des histoires qui gâchent et séparent des familles. Quand il y avait des embrouilles et que quelqu’un finissait à l’hôpital ou à la morgue, ceux qui se faisaient attraper par les policiers allaient en prison. Et il y a eu plusieurs morts. On vit en ayant peur, mais on n’est plus trop choqué par les rixes dans mon quartier car tout ceci est devenu « banal ».

Aya, 19 ans, en formation, Paris

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