Ibtissam N. 03/03/2023

Harcelée sur Snapchat, j’ai connu la dépression

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Après avoir été harcelé sur internet et déçue en amitié, Ibtissam commence à se sentir mal. Le diagnostic tombe : elle est en dépression.

En novembre 2021, j’ai été diagnostiquée dépressive. Cela faisait déjà quelques mois que, sans vraiment le remarquer, ma santé s’était vraiment dégradée. De plus en plus de fatigue, des maux de tête, des vomissements… Ma mère voyait ce qu’il m’arrivait. Elle m’a emmenée chez mon médecin généraliste, qui m’a renvoyée vers un spécialiste. Il a utilisé ce mot : la dépression.

En apprenant mon diagnostic, j’étais perdue sur le moment. J’étais consciente que tout ce qui se passait en moi n’était pas normal, et j’avais déjà entendu parler de cette maladie. Mais je ne voulais pas faire face à la réalité.

Snapchat, la raison de ma dépression

Je pense que cela a commencé à cause de l’appli Snapchat. Au mois de mars 2020, j’ai commencé à subir du harcèlement. J’avais 11 ans, et c’était ma première année au collège, je m’étais déjà un peu habituée. En sixième, j’avais mon groupe d’amis. Je connaissais le fonctionnement des téléphones et internet. J’utilisais souvent le portable de ma mère. Dessus, j’avais installé Snapchat. Tous les jeunes adoraient cette application mais moi, je me suis mis à la détester. On m’ajoutait sans cesse à des groupes où les gens se moquaient de moi, me spammaient d’appels. Parfois, on m’envoyait des menaces de mort. Cela a duré pendant un mois.

Toute cette haine avait une seule raison : mon innocence. J’avais 11 ans. Eux, ils avaient sûrement entre 15 et 18 ans. Je ne les connaissais pas, je ne savais pas d’où ils venaient ni qui ils étaient. Ils jouaient sur mon innocence pour me faire du mal. Je ne sortais plus de chez moi. J’avais peur que mon adresse soit retrouvée. Que je me fasse agresser par n’importe qui voulant me faire du mal.

Puis j’ai désinstallé Snap. Le soir où je l’ai fait, j’étais en larmes, c’était un enfer. Heureusement, une héroïne est venue me sauver : ma mère, elle m’a libérée de tout cela. Du jour au lendemain, je n’ai plus été harcelée. Ensuite, j’ai su qu’elle avait réussi à contacter les parents de mes harceleurs. Elle a tout réglé sans que je m’en rende compte. Juste en passant quelques coups de fil, elle a fait cesser ce harcèlement.

Me débarrasser de mon cercle social toxique

Deux ans plus tard, ma vie se portait parfaitement bien. Il ne me restait qu’une seule amie avec qui je me voyais terminer ma période scolaire. On était proches depuis la primaire, ça faisait 7 ans. Je la trouvais gentille, avec un grand cœur. Elle était ce genre de personne au fort caractère, à se disputer ou insulter tout le monde. Mais pas moi. J’aimais beaucoup qu’on soit des personnes importantes l’une pour l’autre. Sauf que pendant les vacances, elle est devenue désagréable, détestable. J’ai essayé de lui en parler des dizaines de fois, mais rien à faire. Je ne voulais plus lui adresser la parole. Elle me rendait triste, c’est tout.

Je pense que cet enchaînement d’événements est à la source de ma dépression. Je n’aurais jamais imaginé vivre cela. Cette maladie qui à elle seule, peut tuer une personne. Quand j’ai été diagnostiquée, je n’en ai parlé à personne. Seule ma mère était au courant. J’essayais de vivre ma vie, avec ce « handicap ». Je ne voulais pas y penser. Je me disais que ça partirait tout seul. J’étais vide, ressentant de la mélancolie. Mais je ne voulais pas de compassion. Je continuais donc à sourire. Les gens me voyaient heureuse, pensant que tout allait bien, et c’était mieux comme ça.

Mes parents avaient des avis différents. Ma mère me soutenait mais dans notre famille d’origine turque, ce genre de problème, la dépression, l’anxiété, n’avait pas sa place. Mon père, lui, n’en avait absolument rien à faire, mais je m’en fichais. Le soutien de ma mère et ma sœur, c’était largement suffisant. Elles me proposaient de voir une psychologue, mais j’ai toujours refusé. Pour moi, la clé, c’était le temps. Il fallait donc que j’attende.

J’ai commencé à aller mieux

Je n’aurais jamais imaginé pouvoir redire cela, mais j’étais heureuse. Je me sentais bien, sans médicaments, sans psychologue, sans rien. Mon sourire n’était plus forcé, il était sincère. Entre-temps, cette fille avait déménagé dans un autre pays. J’ai coupé les ponts avec elle, j’étais soulagée de ne jamais la revoir.

Aujourd’hui, je vais bien, je suis entourée de bonnes amies, qui me comprennent. J’ai des fois des hauts et des bas, mais je me sens bien mieux qu’avant. Pouvoir rigoler, vivre comme les autres, cela ne signifie qu’une chose : je ne suis plus dans la dépression. Étant croyante, je pense que Dieu m’a aidée. Il m’a sauvée, et je lui dois tout.

Quand je repense à cette période, je me dis que j’aurais pu y passer. Pour mes parents, ce n’était rien, seulement une phase de l’adolescence. J’ai toujours peur que ça revienne, que j’aie encore à subir tout ça. Si je pouvais donner un conseil, pour s’en sortir, c’est de se donner des objectifs. Accomplir des choses qui poussent petit à petit vers la liberté.

Ibtissam, 14 ans, collégienne, Brive-la-Gaillarde

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