Gohar K. 13/05/2022

Le harcèlement, on n’en parle pas assez

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Témoin de faits de harcèlement dans son quotidien, Gohar a pris conscience de la gravité de ce phénomène multiforme.

Il y a deux ans, avec ma meilleure amie, j’étais arrivée en avance au collège. On était en train de faire le tour du bâtiment quand on a vu des jeunes sur la route. Il y avait trois garçons et deux filles. L’un des garçons avait pris le téléphone et les écouteurs de l’une des filles. Autour, personne ne réagissait. Alors on est intervenues : on a dit au garçon qu’il devait lui rendre ses affaires.

Au début, il ne voulait pas. On lui a expliqué que ce qu’il faisait n’était pas bien envers la fille. On a pris les affaires de la fille et on les lui a rendues. Je tiens à préciser que quand on a commencé à parler au garçon, on avait très peur, mais on a vu que la fille n’était pas bien, il fallait vraiment l’aider. Elle nous a remerciées, puis elle est rentrée chez elle avec ses copines. Je ne l’ai jamais revue depuis.

Certains harceleurs ont l’impression que c’est un jeu

Ce que cette fille venait de vivre, c’est du harcèlement. Harceler, c’est un acte malveillant qui peut prendre différentes formes : des formes verbales (insultes, moqueries) ; non verbales (grimaces, gestes offensants) ; psychologiques (menaces, rumeurs) ; physiques. Parfois, ça commence par des petits riens, puis cela devient des insultes à cause de la différence de couleur de peau, d’origine ou de religion. Certains harceleurs ont l’impression que c’est un jeu, ils ne se rendent pas compte. Puis, ces insultes deviennent des menaces. À force, la violence s’installe, et cela peut déboucher sur des choses plus graves.

L’an dernier, j’ai regardé une mini-série intitulée AlRawabi School for girls, diffusée par Netflix. C’est l’histoire d’une jeune fille jordanienne scolarisée dans une école pour filles très prestigieuse, qui se fait harceler par un groupe de filles. Sa vie devient un véritable cauchemar. Après avoir subi toutes sortes d’humiliations, elle décide de ne plus être la fille gentille et sensible, et de se venger. Elle appelle le frère de l’une des harceleuses, qu’elle accuse d’avoir déshonoré sa famille en sortant avec un mec. La fin est dramatique pour cette fille : elle est tuée d’une balle tirée pas son frère. Au début, j’avais beaucoup de peine pour la jeune fille harcelée : ce qu’elle subissait était très dur ; mais mon point de vue a un peu changé avec la mort de la harceleuse. N’y avait-il pas une autre solution que cette vengeance ? J’ai compris avec cette série combien ces situations sont compliquées.

Dans la « vraie vie », il arrive que les victimes de harcèlement se confient. Mais les gens on souvent du mal à en parler : beaucoup ressentent de la peur ou de la honte. Certaines finissent par se suicider, même des très jeunes. D’autres, en grandissant, arrivent à s’en sortir, à ne plus écouter, à ne plus avoir peur, et à profiter de leur jeunesse.

Je veux m’engager contre le harcèlement

Aujourd’hui, j’ai envie de m’engager contre le harcèlement. Pour lutter plus efficacement contre ce phénomène, il faudrait que les directions d’établissements scolaires soient plus fermes, qu’il y ait plus de personnes formées dans les écoles pour repérer les situations de harcèlement, et faire de la prévention. Il faut expliquer ce qu’est le harcèlement, donner des chiffres, dire qu’il y a des gens qui meurent. En France, selon la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance, 5,6 % des élèves seraient victimes de harcèlement, soit 700 000 enfants. Selon un sondage de l’Ifop, 41% des Français indiquent avoir subi au moins un acte de violence verbale, physique ou psychologique répétée et continue dans le contexte scolaire.

Gohar, 14 ans, collégienne, Grenoble

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