Angela M. 09/03/2022

Harcèlement : pourquoi personne ne réagit ?

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Le harcèlement sexuel, Angela le connaît trop bien. Tout comme elle connaît les regards fuyants des témoins qui ne réagissent jamais.

Depuis mes 12 ans, je suis confrontée au harcèlement sexuel

J’ai été harcelée tellement de fois que je ne saurais même pas vous dire combien. La première fois, c’est déjà la fois de trop. Je peux compter sur les doigts de la main le nombre de fois où une personne est intervenue. Non, mieux, je peux compter sur un doigt : c’était ma mère, donc une personne que je connaissais déjà, proche de moi. 

J’avais 14 ans, j’étais dans les transports en commun, je portais une robe. Le matin, en me regardant dans le miroir, je me sentais jolie. Un homme m’a coincée dans un coin du tram et s’est frotté contre moi. Ma mère a tout vu et a réagi. Elle est venue me chercher et m’a éloignée

Cette fois, j’étais accompagnée, mais je ne le suis pas forcément toujours. Ça peut arriver à tout moment : matin, midi et soir. Sur le moment, je ne comprenais pas ce qui se passait, elle m’a expliqué et m’a dit de faire attention. Ma mère n’est pas forcément bruyante, mais elle intervient toujours. Le soir, j’ai enlevé ma robe, dégoûtée, et j’ai mis un jogging. 

Pas d’excuse parfaite face au harcèlement

Mon expérience la plus récente c’est celle dans un bus bondé. Je ne pouvais pas bouger de l’endroit où j’étais. L’homme en face de moi m’a abordé en me disant : « Bonjour mademoiselle, même avec votre masque, je peux voir que vous êtes vraiment jolie »

J’ai tout de suite compris ce qu’il cherchait et je lui ai rapidement expliqué que je n’étais pas intéressée. Après quelques secondes de pause, je lui ai dit que j’étais lesbienne. Dans ma tête, je me suis dit : « Voilà, j’ai trouvé l’excuse parfaite, un manque total d’intérêt dans le sexe opposé. » L’homme s’est tu, il a ensuite parlé à son ami qui m’a regardé en grimaçant un peu. Son ami m’aborde : « Mademoiselle, est-ce vrai ce que mon ami m’a dit ? »

Anxieuse, je fais mine de ne pas comprendre ce qu’il disait. Je lui ai répondu que je ne voyais pas de quoi il parlait, il s’est mis à bafouiller avant de sortir le mot « lesbienne ». Je lui ai répondu oui. Il a commencé à essayer de me convaincre de baiser avec lui. 

Les témoins qui détournent la tête 

Mal à l’aise, j’ai regardé à gauche, à droite. Mon regard suppliait les gens autour de moi. Personne n’est intervenu. Les gens ont vite détourné la tête. Ils n’interviennent pas et s’occupent de leurs affaires, ou ils sont concentrés sur autre chose. Il y a aussi la peur de la confrontation : ceux qui ont vu ne veulent pas se causer de problème.

Après réflexion, je peux comprendre. Des fois, je suis dans mon propre monde et je ne fais pas attention aux autres… Mais quand je vois quelque chose, j’essaie d’intervenir même si parfois ça fait peur. Je sais que quand les gens voient une personne réagir, ils réagissent à leur tour.

La situation s’est empirée quand le deuxième homme a commencé à me poser des questions : « As-tu au moins essayé avec un homme ? » Je lui ai répondu que non, et que l’idée d’être avec un homme me dégoûtait. Mais aussi, que je n’avais aucune envie d’essayer. Il insistait, me traitait de « raciste contre les hommes » avant d’être enfin libérée. Le bus était arrivé à mon arrêt. 

Ma mère, un exemple pour les autres 

J’étais choquée, je me suis rendue compte que personne n’allait m’aider, alors que je me faisais harceler sexuellement. J’étais clairement inconfortable. Ma mère m’a toujours dit qu’il fallait aider les autres quand je voyais qu’ils étaient en difficulté. Je trouve que ma mère est un exemple que plus de personnes devraient suivre.

Lorsque je vois une situation louche, je demande toujours à la personne si elle a besoin d’aide. Un jour, j’étais au parc de la Villette, une femme était assise à côté de moi et un homme l’a abordée. Elle était clairement inconfortable, je lui ai demandé si tout allait bien et s’il la dérangeait ? Elle a répondu oui et je l’ai éloignée de lui.

Chaque femme est une conquête 

Alors, pourquoi les femmes qui se font harceler en public, c’est quelque chose qui est vu comme normal ? Et pourquoi les personnes qui regardent, ne réagissent pas ? Souvent, j’ai parlé avec mes amies des différentes situations de harcèlement que nous avons vécues. Toutes les femmes autour de moi ont déjà subi cette expérience. On a toutes connues des histoires où un homme nous a suivies dans la rue. 

Dans mon cas, on peut se dire que c’est juste de la drague, c’est pas si grave… Même si ce n’est pas le cas. Mais parfois, ça va bien plus loin, c’est des agressions physiques et les gens restent inactifs. Les réactions sont plus intenses lorsque c’est un vol. Je ne comprends pas pourquoi le harcèlement est aussi normalisé. Si on regarde sur internet, on trouve énormément de tutoriels pour apprendre aux hommes à aborder les femmes dans la rue. Donc, chaque femme est une potentielle conquête. Pour moi, le seul moyen de combattre le harcèlement c’est l’éducation. Il faut apprendre aux hommes que ce comportement est inacceptable.

Angela (le nom que je donne aux personnes qui m’abordent dans la rue), 22 ans, volontaire en service civique, Dugny

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4 réactions

  1. Bonjour Arnaud,

    Les femmes, qu’elles soient féministes ou pas, n’ont effectivement pas besoin de votre protection. En revanche, le harcèlement, qu’il se produise dans la rue, au travail, ou dans la sphère privée, est un délit pénal. Être témoin d’un délit qui porte atteinte à l’intégrité d’une personne et ne pas intervenir fait de vous un citoyen assez médiocre, en plus de prouver votre manque d’empathie.

    Par ailleurs, les violences sexistes et sexuelles ont lieu dans toutes les sphères de la société, pas seulement « dans la rue par la racaille », comme vous semblez l’affirmer.

    Belle journée à vous.

  2. Bonjour, en tant qu’homme je déplore le harcèlement de rue mais il est hors de question que j’intervienne si il n’y a pas d’agression physique. Cela fait environ dix que les féministes nous expliquent que les hommes sont des porcs et qu’un homme ne doit pas avoir un comportement protecteur avec une femme parce que cela relève du patriarcat oppressif. Les féministes ont dit tout cela, évidemment, sous les applaudissements des autres femmes.

    Il faut maintenant que les femmes soient claires : réclament -t- elles le retour des preux chevaliers protecteurs en desavouant publiquement les féministes, ou pas ?
    En attendant qu’elles soient claires sur cette question, j’appliquerai le feminisme et je laisserai les femmes se débrouiller toutes seules, en l’occurrence se faire insulter dans la rue par la racaille. Cordialement.

  3. Salut Gena,

    Merci pour ton commentaire poignant. Tu traverses une période difficile, mais tu n’es pas seule, et c’est important de te tourner vers des personnes qui te croient, qui t’écoutent et qui t’aident. On te conseille, dans un premier temps, de te tourner vers un·e professionnel·le de santé qui pourra t’écouter : infirmier·e, psychologue… Des consultations gratuites ont lieu dans toute la France dans les Centre médico-psychologique (CMP). Tu pourras trouver le centre le plus près de chez toi sur internet.

    Tu peux aussi te rapprocher d’associations :

    – Le 3020 : Numéro vert et gratuit « Non au harcèlement » Ouvert du lundi au vendredi de 9h à 20h et le samedi de 9h à 18h (sauf les jours fériés)
    – Le 3018 : 100% anonyme, gratuit et confidentiel, Net Écoute est le numéro vert national de prise en charge de victimes de cyberharcèlement à l’école. Le 3018 est joignable du lundi au vendredi de 9h à 20h et le samedi de 9h à 18h.
    https://e-enfance.org/
    – Allo Ecoute Ado : Allo Ecoute Ado est un service d’aide et d’écoute pour les ados, et qui apporte des réponses aux questions qu’ils/elles se posent (Tu trouves que tu as du mal à communiquer avec les autres, tu te sens seul(e), déprimé(e), ton copain, ta copine t’a laissé tomber. Les autres te trouvent agressif(ve), toujours en colère, tu as des conflits avec tes ami(e)s, tes parents, tu as été témoin de violence, tu t’inquiètes pour un ami, une copine. Tu te poses des questions sur la sexualité, la contraception, les IST (Infections Sexuellement Transmissibles). Tu t’interroges sur la cigarette ou les drogues ….)
    Écoute anonyme et confidentielle du lundi au vendredi de 17h à 20h. Tel. 06 12 20 34 71
    http://www.alloecouteado.org/
    – Fil Santé Jeunes (si tu as -26 ans) : numéro d’écoute et d’aide tenu par des psychologues (0 800 23 52 36, gratuit, ouvert tous les jours de 9h à 23h) ou tchat sur le site : https://www.filsantejeunes.com/
    – Le 119 : C’est le numéro national dédié à la prévention et à la protection des enfants en danger ou en risque de l’être ou utiliser le formulaire en ligne https://www.allo119.gouv.fr/ disponible 7j/7 24h/24. L’appel est gratuit. Les victimes de violences intrafamiliales peuvent également désormais donner l’alerte via un SMS adressé au 114.
    À noter : En cas de situation d’urgence, il faut privilégier le 15 (SAMU), le 17 (police-gendarmerie), le 18 (sapeurs-pompiers) ou le 112 (numéro d’urgence européen).
    – Info Suicide : numéro d’écoute et d’aide (01 45 39 40 00, gratuit, 24h/24 tous les jours).
    – Si tu habites à la campagne ou dans une petite ville, on te conseille de consulter ce document qui répertorie toutes les associations locales : https://docs.google.com/document/d/1lAa25mqVYlPWnkOwb2xJUyrqT1VCwZdR9kV1FVVbkqE/edit

    On te souhaite beaucoup de courage.

    L’équipe de la ZEP

  4. Bonjour,
    Je me fais bousculer très souvent à l’école , beaucoup de personnes me bousculent et froissent mes affaires ,elles se jettent sur moi et se moquent de moi ,je ne sais pas comment faire ,quand je rentre à la maison ma mère me dit que c’est de ma faute ,c’est mon attitude qui rend fou les gens car je suis Villaine ,
    La directrice de mon collège ne réagit pas personne ne fais rien et je suis détruite de l’intérieur .J’en ai marre ,je veux mourir mais … j’ai peur d’avoir mal j’ai peur de me défendre et d’avoir mal parce qu’elles sont plusieurs et je pensais qu’en en parlant sur ce site quelqu’un me donnerai une solution pour me défendre ,autre que d’en parler parce que j’ai même été à la police et ils continuent de me pousser

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