Myriam R. 16/08/2023

De fantôme invisible à monstre voilé

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Depuis qu’elle porte le voile, Myriam a vu le comportement des gens changer. Tous les jours, elle subit les regards et les remarques.

Je porte le voile depuis un an. Tout type de voile : jilbab, foulard, abaya… Et depuis, j’ai vu un réel changement dans le regard de certaines personnes en France.

Quand je ne portais pas le voile, c’était comme si j’étais un fantôme. Les gens s’en foutaient de moi, normal quoi. Il ne se passait rien. À part que, quand je disais bonjour, on me répondait. Quand je souriais, pareil, on me répondait. Mais depuis que je porte le voile, on dirait que je suis un monstre.

Maintenant, j’ai des regards insistants d’hommes et de personnes âgées principalement. Ils me regardent comme si je n’avais rien à faire là. Alors qu’en soit, je fais ma vie. Je n’embête personne. Cela arrive peut-être une à deux fois par jour. Des regards, des chuchotements dans le bus, dans la rue, dans les magasins. Des grand-mères me regardent de haut en bas. Elles s’écartent comme si elles avaient peur de moi. Cela me met mal à l’aise. Je ne sais pas où me mettre et je me demande de quoi elles ont peur. D’un bout de tissu ?

Depuis un an, des hommes et des femmes de tous âges s’arrêtent au feu vert pour me regarder fixement. C’est peut-être par curiosité car ils n’ont jamais vu de voilée. Cela m’arrive souvent dans la ville où j’habite. C’est une ville de campagne où il n’y a que des vieux. J’en rigole avec du recul. Mais sur le coup, ça fout la haine. J’aimerais marcher sans être observée et ne pas avoir de remarques déplacées comme quoi je devrais l’enlever. Cela ne m’arrive pas souvent, mais cela ne devrait jamais arriver.

Dans le bus, ils ont peur de moi

Une fois, j’étais au supermarché pour une collecte de la banque alimentaire. Tout se passait bien. Jusqu’à ce qu’une dame arrive. D’abord, elle m’a souri et nous a dit que c’était bien ce qu’on faisait. Elle est revenue pour amener à manger pour la banque alimentaire. Elle m’a pointée du doigt et m’a dit : « C’est dommage ça ! » – en parlant du voile – « Tu es jeune ! » Sur le coup, j’étais sous le choc. Je n’ai même pas eu le temps de réagir. Elle était déjà partie.

Un autre jour, j’ai pris le bus. Quand je suis montée dedans, il n’y avait pas beaucoup de monde car c’était le terminus. Je suis allée m’asseoir dans un carré. Au deuxième arrêt du centre-ville, la majorité des gens monte. Et à un moment donné, les gens n’ont plus avancé pour venir s’asseoir, alors qu’il restait trois places à côté de moi. Ils m’ont regardée puis n’ont pas bougé.

Et quand cela arrive, moi, je les regarde, tous serrés jusqu’à la porte d’entrée. Cela me fait doucement rire parce que c’est ridicule. C’est super bizarre. On dirait que je suis un monstre, que personne ne veut m’approcher. En plus, c’est vexant. Je suis triste en vrai. Mais bon, j’écoute ma musique et je pense à autre chose.

Je ne me sens pas chez moi

Dans ces moments-là, je ne me sens pas à ma place en France. Quand je vois que dans d’autres pays, ils se foutent que tu portes le voile ou non. Et puis, je ne suis pas tranquille pour sortir et ça me manque. Je sais que je vais être regardée, critiquée. J’ai peur de sortir et d’être insultée ou tapée parce que je porte un voile. Peur de tomber sur des personnes hystériques. J’aimerais bien que les gens fassent leur vie et qu’ils soient ouverts d’esprit. Qu’ils arrêtent de s’occuper de choses qui ne les concernent pas.

Contrairement à ce que certains pensent, je suis libre de le porter. Personne ne m’a forcée à le mettre. C’est juste moi, avec mes convictions religieuses.

Si le racisme ou l’islamophobie ne reculent pas en France, je ne suis pas sûre que je pourrai faire le métier que je veux. Beaucoup de patrons demandent d’enlever le voile. Pour moi, ce n’est pas envisageable. J’en ai déjà marre de l’enlever à l’école. Alors si c’est pour recommencer dans ma vie d’adulte, flemme.

Myriam, 16 ans, en formation, Nantes

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