J’écoute donc je suis
Dès que j’ai une mauvaise note, j’écoute de la musique. Dès que je suis énervée et que j’ai envie de crier, j’écoute de la musique. Dès que je suis triste, j’écoute de la musique. Dès que je suis heureuse, j‘écoute de la musique, et même quand je ne fais rien, j’écoute de la musique. La musique, c’est devenue pour moi quelque chose d’essentiel.
Au collège, j’ai eu un iPhone XS. Je me suis alors mise à écouter toutes sortes de musiques. J’aimais beaucoup celles qui donnaient de la joie comme Bimbo de Marwa Loud feat. Moha K ; All my friends de KNOIA ; Fade Up d’Hamza ; La kiffance de Naps. Mais très vite, il y a eu des musiques qui n’étaient plus à la mode ou gênantes à cause des réseaux sociaux. Alors j’ai dû un peu me cacher pour les écouter.
Suivre les trends
Un week-end, en cinquième, j’ai invité une amie à la campagne. C’était la première fois que j’invitais quelqu’un de cette classe. J’avais un peu peur d’être gênée ou que mes parents créent une gêne et qu’elle le raconte à tout le monde. Que tout le monde se moque de moi. Tout s’est bien passé, sauf à un moment. On descend prendre le petit-déjeuner. On arrive dans la cuisine. Ma mère et ma petite sœur sont en train de chanter sur Flowers de Miley Cyrus, très à la mode à un moment, mais devenue assez gênante depuis qu’elle est passée de mode. Après le petit-déjeuner, elle s’est tapée un fou rire, m’a regardée en rigolant et elle a dit : « Ça me fume ! On arrive et là ta famille nous fait un petit concert ! » Ce n’était pas méchant ou moqueur, mais ça m’est resté.
La même année, j’étais aller manger chez ma meilleure pote avec d’autres copines. On a fait des TikToks et on a écouté de la musique. J’étais la seule qui ne connaissait aucune chanson, mais vraiment aucune. Pour ne pas être exclue, je faisais comme si je connaissais les paroles et j’essayais de les apprendre. Mais je me suis quand même sentie exclue. Je pensais que c’était parce que je n’avais pas les trends des réseaux. En fait, c’était surtout parce qu’on n’avait pas les mêmes goûts.
Écouter de la musique en cachette
En quatrième, le stress des notes et la sévérité des profs ont fait que ma musique n’avait plus le même son. Je me suis tournée vers des musiques plus calmes et tristes. De la musique « dépressive ». J’aime beaucoup le groupe Cigarettes After Sex. Pour tout le monde, ce sont les personnes dépressives qui l’écoutent. Je n’ai pas envie que mes amis pensent que je suis comme ça.
Cette année, j’ai aussi commencé à écouter du rap. J’aime bien. Mes amis en écoutent, donc je me suis aussi un peu forcée pour qu’on puisse en discuter ensemble après. Mais quand je suis chez moi, je n’écoute que les musiques que j’aime.
Et dès que je sors, j’écoute du rap et les musiques conseillées par ma grande sœur ou mes potes comme Foufoune Palace de Luidji, Hess de Gambi. Je cache mon tel sur le chemin au cas où, si jamais une musique calme passe. J’ai peur que n’importe qui de mon niveau (troisième) voit ce que j’écoute. En fait, quand je suis dehors avec mes écouteurs sur le chemin du collège, je deviens un peu paranoïaque.
Olivia, 14 ans, collégienne, Paris
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Le rap, la musique d’une génération, par Océane, 16 ans. Entre textes percutants, tubes de l’été et trends, elle reconnaît parfois la pression à être à l’affût du dernier morceau sorti, gage d’appartenance à ses cercles d’ami·es.