Théo B. 26/01/2022

Au jeu des relations sociales, je n’ai pas bien compris les règles

tags :

Parler aux gens, sympathiser, et passer des bons moments. Pour Théo, ce n’est pas aussi facile que ça en a l’air.

Quand j’étais petit, j’avais beaucoup de mal à me faire de nouveaux amis. Je restais toujours avec les mêmes personnes. Et quand elles n’étaient pas là, je me retrouvais seul, incapable de créer le contact avec de nouveaux individus.

Aujourd’hui, j’ai 19 ans… eeeeet… j’en suis toujours au même stade.

Comme attaquer un mur de béton avec des ciseaux

Ça n’est pas une question de manque de volonté. C’est plutôt que, sans ami commun qui me permettrait de créer un pont, ou sans contexte qui puisse justifier que j’aille parler à quelqu’un d’inconnu, faire le premier pas pour sympathiser avec des gens m’est absolument impossible. Est-ce par peur de m’imposer ? De créer un malaise ? Probablement un mélange des deux.

Je ne sais pas si s’habituer au fait de ne se faire presque aucun nouvel ami au sein de sa classe de fac au bout d’un an est une bonne chose ou pas. En tout cas, c’est comme ça que je le vis. « Tant pis, l’année prochaine peut-être. » C’est comme si un énorme mur de béton venait s’imposer entre moi et les autres dès qu’il était question de sympathiser. Et que le seul outil que j’avais pour le détruire était une paire de ciseaux.

Je jalouse absolument tout chez mes amis

En attendant le début d’un cours par exemple, j’ai très souvent une énorme envie d’aller vers mes nouveaux camarades. Pouvoir faire une blague, rigoler, et passer du temps ensemble. Seulement, cette envie est toujours doublée d’une crainte de m’imposer. D’intervenir alors qu’ils ne veulent peut-être pas me parler. Alors j’attends, en me disant que, peut-être, c’est eux qui feront le premier pas.

Et mes amis alors ? Ceux que j’ai déjà, avec qui je m’entends bien ? J’aimerais tellement que tout soit aussi simple que ça en a l’air. Mais les vrais problèmes avec eux, je les ai dans la tête. Je jalouse absolument tout. Le moindre événement, le moindre projet, la moindre chose qui se passe sans moi devient un calvaire. Un peu comme un gros chien qui venait me mordre parce qu’il est incapable de comprendre qu’il n’est pas le centre du monde. Découvrir une soirée ou une sortie qui s’est improvisée sans moi, parce que j’étais indisponible, ou pas au bon endroit, c’est toujours très dur à vivre.

Plus de temps à rédiger mes textos qu’à réviser mes cours

Certains ont peur du vide, d’autres des araignées. Moi, c’est à l’idée de blesser les gens que je suis terrorisé. Quand je vois des amis, tout se passe bien. On rigole, on passe du bon temps comme le ferait n’importe quelle bande de jeunes de notre âge. Quand je suis seul, ça devient autre chose. Comme une sorte de face B, je relativise tout. Je décortique chaque mot que j’ai prononcé dans la journée, chaque parole que j’ai adressée, chaque geste que j’ai fait. Et j’imagine toutes les situations dans lesquelles j’aurais pu blesser, vexer, gêner quelqu’un. Je sur-interprète chaque message, chaque texto qu’on m’envoie. La moindre virgule différemment placée va me sembler être un message subliminal pour me dire à quel point je suis quelqu’un de désagréable, peu apprécié, et avec lequel personne ne souhaite parler.

Et quand il s’agit à mon tour de contacter quelqu’un, pour proposer une sortie, une soirée, n’importe quoi, je suis incapable de voir la tâche d’envoyer un message comme quelque chose de simple. Pour être honnête, je pense passer plus de temps à préparer mes textos, qu’à travailler mes cours en vue d’obtenir mon diplôme. Je cherche à construire chaque phrase pour être certain de ne vexer personne, que le moindre mot ne soit pas mal interprété. Oui, je fais même ça pour les messages du style : « Eh ça vous tente de se voir ce weekend ? » Surtout pour ceux-là, en fait…

Je parle fort, je vanne mes amis, je suis très lourd

Tout ça, c’est sans doute parce que je ne me pense pas capable d’être autant apprécié que je le suis réellement. Je reçois beaucoup d’amour de mes proches, de mes amis, mais ça serait mentir que de dire que je ne doute jamais de le mériter. En fait, je ne remets pas en doute leurs sentiments, simplement je suis certain de ne pas y avoir autant droit. Quand je me contemple, j’observe beaucoup de qualités et beaucoup de défauts, comme tout le monde. Mais ce sont ces derniers que j’ai l’impression de voir le plus ressortir quand je suis avec mes amis. Je parle fort, je vanne les gens, je suis très lourd par moment, je ramène constamment l’attention sur moi. Une espèce de gros animal hyperactif, qui aime tellement passer du temps avec les autres qu’il en oublie à quel point il peut les déranger.

Alors qu’au fond tout ce que je veux, c’est les aider. J’aimerais ne vivre que pour rendre les gens heureux, mais c’est d’une difficulté… Que faire quand on se rend peu à peu compte que notre ami le plus proche a des pensées dépressives et qu’on est consciemment incapable de l’aider ? Peut-être que ma simple présence fait du bien aux autres. Mais j’aimerais tellement me sentir plus utile, leur apporter des solutions. Mais tout cela relève bien trop du fantasme. Je ne suis pas un magicien qui, d’un coup de baguette, fera disparaître tous les soucis de la vie des personnes que j’aime. Du coup, je me retrouve là, à mi-chemin entre un sentiment d’intense inutilité, et un autre d’être quelqu’un d’essentiel pour eux. Et c’est juste dur à accepter.

Un nouveau protagoniste de ma vie : l’alcool

Face à tous ces doutes et ces angoisses, les soirées sont une sorte de solution miracle. Des instants éphémères durant lesquels je fais la connaissance d’un nouveau protagoniste de ma vie : l’alcool. L’éthanol, un nom bien scientifique pour décrire une simple substance qui me permet d’oublier tout cela, crée une bulle temporelle qui écarte toutes mes pensées le temps de quelques heures, quelques heures de kiff et d’amour. J’en parle comme d’une solution miracle, mais j’en ai un peu peur. Non pas de la dépendance, je sais la garder à l’écart, me contentant seulement d’une à deux soirées par mois, mais plutôt de ce qu’il m’apporte. J’ai peur d’être incapable de communiquer mon amour aux autres ailleurs que dans ces moments-là.

Qu’est-ce que j’envie les gens, ceux qui osent parler et crier, cracher leur colère. Parce que, même s’ils blessent autrui, sortir leurs émotions leur fera infiniment plus de bien. Ceux qui savent créer des liens et les maintenir, parler aux inconnus, tisser des relations si facilement. Qui ne sont pas jaloux, qui savent arrêter de vivre aux dépens des autres, et qui arrivent à accepter d’être absent de leur vie. Ceux qui savent déverser leur amour sans avoir à être cachés derrière un téléphone ou 1,5 grammes d’alcool. Qui savent en permanence à quel point ils sont aimés et arrivent à l’accepter sans perpétuellement se remettre en doute.

Théo, 19 ans, lycéen, Villeurbanne

Partager

1 réaction

  1. Wow

    c’est.. exactement.. à peu de chose près, ma vie enfaite x)
    Non mais, je m’interrogeais ce soir sur s’il était normal ou non d’être « bloqué » comme ça face aux autres.
    Petit j’étais au contraire très sociable puis, dès l’arrivé au collège, je me suis fermé sur moi même et je me dis encore aujourd’hui, heureusement que j’ai un frère jumeau.. j’ai longtemps culpabilisé, ou c’est peut être pas le bon terme mais j’avais l’impression de profiter de ses amis (qui étaient et sont aussi les miens au final). C’est lui que se rapprochait d’eux car j’ai toujours eu cette angoisse d’aborder quelqu’un.. que ce soit en vrai et SURTOUT sur les réseaux.. snap, insta.. Si c’est pas quelqu’un que je connais je perds tous mes moyens..
    Je suis totalement d’accord avec la paragraphe sur l’alcool, je me reconnais tellement la dedans, pareil pour les textos etc..

    Enfin bref. J’étale ça la, plus d’un an après le post mais ça m’a fait plaisir de le lire !
    Noah, 20 ans

Voir tous les commentaires

Commenter