La couture, mon refuge loin des violences
Au milieu de ma sixième, ma voisine appelle les services sociaux pour dénoncer la maltraitance de ma mère. L’assistante sociale doit passer le lendemain à la maison. Dans la cour du collège, je n’arrive plus à respirer, je fais ma première crise d’angoisse, j’ai 12 ans. Je vis à Toulouse avec mon frère et ma mère, et je vois mon père un week-end sur deux. Quand l’assistante sociale vient à la maison, je mens sur la situation. Je dis que tout va bien, je ne suis pas prête à m’avouer que ça va mal.
Un an plus tard, après une énième crise, j’ai un déclic : j’écris une lettre dans laquelle je parle de la souffrance d’être chez ma mère. Je la donne à une surveillante du collège, ça remonte à l’assistante sociale qui nous convoque ma mère et moi. Puis le confinement tombe et je n’entends plus jamais parler de cette assistante sociale. L’enfer continue, c’est même pire puisque je suis enfermée avec ma mère maintenant. Après une nouvelle crise, je craque, je veux m’enfuir à tout prix. Je prends des médicaments, une boîte entière, et je n’en parle pas.
Le gendarme me traite de « menteuse »
Un week-end, je suis chez mon père. Au moment de rentrer, je ne peux pas, je suis terrifiée. Je me retrouve à devoir aller porter plainte pour éviter de rentrer chez ma mère. Ce jour-là, j’ai fait 17 crises d’angoisse.
En arrivant à la gendarmerie, je suis séparée de mon père, Covid oblige. Je reste seule dans une salle d’attente pendant cinq heures. Après cette longue attente, une gendarme vient me chercher et me pose des questions. Je craque, je suis en pleurs, je regrette ce que je fais mais je n’abandonne pas. Il fait chaud, j’ai la nausée, mais je me dis que c’est la dernière ligne droite. En sortant, un gendarme me dit avoir parlé avec ma mère et me traite de « menteuse ». Au final, on décide que j’irai en internat pour moins la voir.
À partir de là, je suis complexée. Je mange très peu mais j’aime quand même l’internat. Dans ce nouveau collège, les moqueries continuent. Je les vis de plus en plus mal, je commence à me scarifier. L’année d’après, je vais toujours aussi mal. En décembre, je fais une tentative de suicide. Et c’est là que je découvre la couture avec les psychologues qui me suivent. Ça m’aide à tenir. En août suivant, une de mes amies d’enfance décède brutalement. Je réalise alors que je tiens à la vie. C’est à partir de son décès que je vis de nouveau pleinement.
Un nouveau départ grâce à la couture
J’arrive donc dans un lycée que je ne connais pas, en couture. Le premier jour dans ce lycée me terrifie. J’ai peur de ne pas réussir car je n’ai jamais touché une machine à coudre. Petit à petit, je découvre que j’aime coudre, mais je ne suis pas très douée. J’ai trouvé ma safe place, je ne réfléchis plus à mes problèmes quand je crée des vêtements. J’ai découvert des personnes incroyables, j’aime ce que je fais et ma santé mentale va mieux. En septembre, j’étais suivie par trois psys en même temps que je voyais toutes les semaines. Aujourd’hui, je suis suivie par un psy seulement, au cas où je rechute.
J’aime créer quand je suis chez moi. Quand j’ai une baisse de moral, je regarde des vidéos de couture, je fais des patrons, je cherche et dessine des modèles. Plus tard, j’aimerais être conseillère en image. Je veux aider les gens qui sont mal dans leur peau, comme moi, à se trouver beaux grâce à leurs vêtements.
Je me suis rendu compte qu’il fallait que je trouve ma voix pour faire taire celles dans ma tête. Aujourd’hui je suis entourée, je ne suis plus un zombie sans émotions, ni une boule de tristesse. La plupart du temps je suis heureuse, enfin !
Marie, 15 ans, lycéenne, Toulouse