Foued E. 11/01/2021

La violence de mon quartier, j’ai accepté le risque de mourir

tags :

Dans le quartier de Foued, on ne compte plus les tirs et les blessés. Il a appris à vivre avec, mais comment accepter qu’on puisse y mourir ?

Là où j’habite, tout le monde le sait : mon quartier est en guerre avec d’autres quartiers de la ville, donc il y a beaucoup d’affrontements. J’habite près du point chaud du quartier, on l’appelle la galerie car il y a plusieurs petites boutiques, des pizzerias, des fast-food. Un lieu animé dans la journée mais le soir, c’est un territoire appartenant aux trafiquants… c’est là-bas aussi que s’y déroulent des fusillades.

De ma fenêtre, je vois tout : des policiers qui passent, des guetteurs. Ça résonne, on ne sait jamais si c’est un pétard, un feu d’artifice ou un coup de feu. Je suis aux premières loges. Il y a souvent des blessés qui sont envoyés dans des hôpitaux. Moi je m’y suis habitué au fil des années. Ma famille aussi.

La fusillade de trop

Mais une nuit d’été, une fusillade pas comme les autres dans un quartier voisin a marqué les esprits. Cette nuit-là, un jeune de 20 ans, qui était proche de ma famille, un copain de mon beau-frère, a reçu une balle perdue près du cœur. Il est mort. J’étais dévasté en apprenant la nouvelle, je ne comptais plus mes larmes. J’étais en colère. Je n’aurais jamais imaginé qu’on pourrait en arriver à ce stade-là.

Suite à son décès, une marche a été organisée, c’était très émouvant. Je me suis investi pour qu’il y ait beaucoup de participants, en partageant l’événement sur les réseaux sociaux. Je n’arrêtais pas de penser : « Et dire qu’il y a moins d’une semaine, il était là à jouer au foot ! » Mon beau-frère était dévasté, il se sentait mal. Je le comprenais totalement.

Si demain, mon ami venait à mourir, je deviendrais sûrement complètement raide dingue. Mon beau-frère en avait du courage. Il ne montrait pas trop ses émotions mais je voyais qu’il était mal. Et moi, je me pose cette question à chaque instant. « Et si ça avait été moi, ce jeune ? »

Malgré la violence, je le trouve beau, mon quartier

J’habite dans le même quartier depuis ma naissance, et je me suis toujours demandé si, suite aux nombreuses fusillades, un jour, quelqu’un pourrait perdre la vie. Aujourd’hui, j’ai la réponse…

À 14 ans, je me méfie quand je marche de jour comme de nuit dans le quartier, et mes proches m’interdisent de m’approcher des endroits dangereux comme la galerie et plusieurs autres places.

Mais malgré la violence, sa mauvaise réputation et le fait qu’il soit défavorisé, moi, je le trouve beau, mon quartier. Il a des aspects qui le rendent attachant et joyeux. Je n’imagine pas déménager d’ici.

 

Foued, 14 ans, collégien, Nîmes

Partager

Commenter