Mélodie B. 11/01/2021

Liban : une explosion chaotique

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L’explosion du port de Beyrouth a révélé au monde entier la situation catastrophique que vivaient les proches de Mélodie, au Liban, depuis des mois.

Ma mère est libanaise. Depuis toute petite, je vais chaque année au Liban, pays de la mer, de la fête et du soleil. Cependant, cette année, je n’y suis pas allée.

Ce n’est pourtant pas l’envie qui me manquait. J’aurais aimé voir ma famille, mes amis… Malheureusement le pays va mal. Très mal. Le Liban est en situation de crise politique, sanitaire et économique. En septembre 2019, une révolution contre un gouvernement corrompu a éclaté, puis, la bien connue crise sanitaire du Covid-19 est entrée en jeu, le tout dans une atmosphère de crise économique croissante. Ce genre d’expressions on les entend souvent à la télé, pourtant, je ne les ai pas entendues au sujet du Liban.

Mes amis, mes cousins et les amis de ma mère me racontent leurs quotidiens totalement chamboulés par les événements des ces deux dernières années. Pas d’école : c’est sympa pendant quelques semaines, mais quand cela fait des mois, l’inquiétude grandit quand il s’agit de passer un brevet, un bac, des examens ou des concours à la fin de l’année.

De grosses difficultés financières : 100 euros par semaine, pour une famille, c’est peu, surtout quand le beurre coûte 20 euros. A quoi bon avoir de l’argent sur son compte en banque, si on ne peut, de toute façon, pas y accéder ? Seulement 2 heures d’électricité par jour à cause d’un gouvernement corrompu qui détourne l’argent nécessaire pour faire fonctionner les centrales électriques du pays.

Une insécurité sanitaire : les hôpitaux sont complets et le gouvernement garde pour lui les quelques vaccins arrivés au Liban. Bon, bien sûr, on ne parle pas de cela à la télé, ou sur les médias. Et c’est peut-être ça le pire.

Avant l’explosion on ne parlait jamais du Liban

Cet été je ne suis pas allée au Liban. En ce début de mois d’août, je suis donc dans les Alpes avec ma famille. Allongée dans l’herbe humide, je savoure les quelques derniers rayons de soleil estival avant la tombée de la nuit. Je profite pleinement de cet instant paisible, hors du temps. Après m’être perdue dans de douces et légères pensées, je décide d’aller checker mon téléphone. Comme d’habitude, mon doigt clique directement sur la fameuse image de l’icône Instagram.

Puis, j’arrive automatiquement sur les stories : en réalité, je n’y prête pas trop attention, je les laisse défiler sous mes yeux fatigués. Mes yeux sont assez vite attirés par une image d’explosion qui se retrouve dans presque toutes les stories : Kylian Mbappé, mes amis, Céline Dion… tout le monde a posté la même image. Ma surprise est d’autant plus grande lorsque je reconnais le port de Beyrouth, où je me suis baladée lors de mes derniers voyages au Liban.

« Le 4 août 2020, aux alentours de 18 heures, une immense quantité de nitrate d’ammonium a explosé, dans le port de Beyrouth. » Je lis et relis cette phrase partout : à la télé, dans les médias, sur les réseaux… Je reçois des dizaines de messages d’amis qui me demandent si ma famille et moi allons bien. Cela me touche beaucoup, mais cela me surprend également. En effet, malgré la situation catastrophique de la dernière année, je n’avais jamais entendu quelqu’un en m’en parler, ou vu des médias en parler.

Cet épisode ne fait qu’éloigner le bout du tunnel…

Quelques minutes après, une explosion de questions dans ma tête, je cours voir ma mère. Je la trouve au téléphone, les yeux humides et ternis par la peur. Ses cousins, ses amis, ses tantes, tout le Liban l’appelle en pleurs. Ils lui racontent tous des histoires plus tragiques les unes que les autres.  Leurs appartements sont  détruits et leurs proches sont restés sans nouvelles, d’autres blessés, et certains malheureusement morts. Ils sont rongés par la peur, l’insécurité, le doute. Ils ne savent plus quoi faire. Cela faisait déjà plusieurs mois qu’ils sombraient dans un tunnel de catastrophes. Cet épisode tragique ne fait qu’éloigner le bout d’un tunnel infini.

Cette soirée de milieu de vacances a été l’une des plus tristes et tragiques de ma vie. J’avais peur.

Avec du recul, je trouve dommage que seule l’explosion du 4 août ait été médiatisée. De plus, même dans cette médiatisation, une minorité de la presse est vraiment allée au fond des choses, s’est intéressée aux causes et aux conséquences d’un tel événement. La plupart des médias se sont malheureusement arrêtés au caractère impressionnant et spectaculaire de l’explosion.

Était-ce un accident ? Un événement prévu ? Les causes restent à ce jour encore inconnues. Cependant, le fait qu’une telle quantité de nitrate d’ammonium soit restée pendant presque 7 ans en plein milieu du port de Beyrouth est le reflet d’un gouvernement corrompu, et d’un manque de législation.

La situation ne fait que s’empirer

Cet événement tragique a quand même permis de mettre en lumière la précarité du Liban depuis ces dernières années. Le président Emmanuel Macron a essayé de venir en aide au peuple libanais. Il s’est rendu au Liban une première fois le 6 août puis le 1er septembre. La France, l’Europe et le FMI étaient prêts à verser des fonds pour aider le pays à se relever. Cependant, le gouvernement étant corrompu, l’argent allait fatalement être détourné de sa fonction principale, et revenir aux hauts dirigeants. C’est pourquoi le président français s’est rendu au Liban pour faire pression sur ce gouvernement instable, réclamer des réformes rapides qui garantissent que les fonds envoyés reviendraient au peuple.

Aujourd’hui, en mai 2021, aucune réforme n’a encore été faite, et la situation ne fait qu’empirer. Après l’explosion d’images et d’articles dans la semaine du 4 août, sur les réseaux et sur les unes des journaux, la presse reste désormais silencieuse quant aux douloureuses conséquences que subit le peuple libanais. Il n’y a malheureusement pas beaucoup de moyens de faire avancer la situation, si ce n’est de faire des dons à des associations, et de s’informer, d’en parler autour de vous, afin de soutenir le peuple libanais.

 

Mélodie, 15 ans, lycéenne, Paris

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