Cara F. 25/10/2022

Ma dépression, une longue guérison

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À 18 ans, Clara tombe en dépression. Aujourd'hui, elle réapprend à « marcher sans béquilles », à vivre sans thérapeute.

À mes 18 ans, je n’oublierai jamais cet instant de flottement, quand le médecin universitaire souhaitait que je prononce le mot « dépression » pour qualifier ce que je traversais.

La lassitude de vivre, la mélancolie, l’incapacité à me projeter, la détresse, les comportements à risque, le manque d’énergie… Autant d’« obstacles » qui faisaient partie intégrante de mon quotidien, mais qui me faisaient progressivement sombrer. J’ai pris longtemps avant de réaliser le problème.

J’avais pris l’habitude de réviser tardivement. En licence 3, je tentais de me ménager pour faire avec ces nombreuses journées durant lesquelles j’étais irrémédiablement clouée au lit. Des fatigues inexplicables pouvant s’étaler sur des semaines entières que je qualifiais naïvement de « sauts d’humeur », et temporairement transcendées pour « réussir ». Ce fonctionnement m’avait toujours convenu, jusqu’à ces fameuses vacances de Noël pré-partiel.

Je me mettais en danger

J’étais dépassée par la quantité de travail et incapable de trouver ce cher sursaut de motivation qui m’avait permis d’arriver là où j’étais. Je pleurais de façon incontrôlable face à mes maigres notes au fur et à mesure que les partiels approchaient. J’ai traversé cette épreuve tant bien que mal. Mais, depuis, mes études n’ont plus jamais été les mêmes. Elles qui avaient toujours été un refuge pour moi étaient devenues un fardeau.

Un soir, en rentrant du cours de danse, j’ai failli me faire volontairement percuter par un tramway qui arrivait dans ma direction. Cette attitude, complètement inconsciente, je l’avais adoptée depuis quelques mois. Elle faisait même l’objet de blagues avec mes amis de promo.

Je n’en avais jamais réalisé la gravité, jusqu’à cet instant. Je ne comprenais pas ce qui n’allait pas chez moi, je voulais me débarrasser de ces pensées qui me rendaient la vie infernale. Alors, j’ai osé en parler à l’équipe médicale de mon école, à quelques enseignants, ainsi qu’à des amis proches.

Entre tentatives de thérapie et rechutes

Ils m’ont fait réaliser que j’avais besoin d’aide, que je ne devais plus m’isoler. Que ce que je traversais n’était pas insurmontable. Après un bilan sur mon état avec la psychologue de mon école, j’ai cherché un thérapeute adapté. En parallèle, j’ai appris à être transparente vis-à-vis de mes ressentis, en utilisant l’écriture et en arrêtant de jouer la comédie avec ceux qui m’entourent.

Malheureusement, la guérison est un processus long et non linéaire. Il ne suffit pas d’une prise de conscience pour se débarrasser des démons qui nous accablent. J’ai donc enchaîné les tentatives de thérapie et les rechutes, les rapprochements vers l’irréparable et les moments d’espoir.

Dès que je ne trouvais pas l’écoute dont j’avais désespérément besoin par manque d’accroche à mon thérapeute, ou bien lorsque j’étais découragée par le travail qui m’attendait encore pour aller mieux, je revenais à cet état de paralysie que je ne connaissais que trop.

Des pistes de guérison

Je ne réussissais pas à me faire confiance, à croire en ma capacité à tenir bon et à trouver la manière adaptée de guérir de mon mal-être. Cette irrégularité me frustrait au point que j’avais décidé de vivre en refusant de me projeter sur le long terme. Et ce, jusqu’au jour où j’en aurais « assez ». Une sorte de compte à rebours dont je ne connaissais pas l’échéance. Puis, j’ai eu 20 ans.

J’ai décidé que cet âge charnière allait être le début d’une nouvelle vie et d’un « dernier » espoir auquel je devais m’accrocher pour tenter d’aller mieux. Paradoxalement, ce choix qui avait pour objectif de me revitaliser m’a conduit à me questionner sur mon état de santé, en particulier sur mon affaiblissement et ma fébrilité. Il m’a fallu de nombreux mois et le recul de mon médecin pour comprendre que l’effort d’introspection que ces séances me demandaient avait des effets directs.

J’ai appris à ralentir

Ressasser le passé, comprendre ce que je ressentais, définir ce que je voulais devenir… tout cela était profondément épuisant. Dès que je n’avais pas la chance de pouvoir me reposer directement après une séance, je m’exposais au risque de m’endormir. Mais c’est apprendre à accepter cette sensibilité et à ne plus m’en vouloir pour celle-ci qui m’a fait réaliser que j’étais sur la voie de la guérison.

Cette fatigue s’expliquait aussi par cet « élan de vie » qui me conduisait à vouloir vivre intensément tous les instants que je passais depuis mon vingtième anniversaire. Les voyages, les fêtes, les rencontres, les nouvelles lubies… tout y passait dans un excès qui avait vocation à contrebalancer des années de passivité et d’enthousiasme feint. La peur d’une potentielle rechute me pesait tellement que j’avais besoin d’être dans une sorte de frénésie de projets et d’idées, pour oublier.

J’ai donc appris à prendre du temps pour moi pour continuer à guérir à mon rythme. Mais aussi à m’écouter pour repérer ces moments où les pensées négatives risqueraient de me paralyser. J’ai compris qu’il m’était nécessaire d’être en paix avec moi-même. Alors, j’ai entrepris un processus d’apprentissage d’amour de moi-même.

« Dernière chance »

Ma thérapeute m’ayant donné la confiance nécessaire, j’ai progressivement espacé mes séances. Puis, j’ai utilisé une opportunité de vivre à l’étranger afin de débuter à « marcher sans béquilles ». Même si je dispose toujours d’un filet de sécurité, relever ce défi me donne une certaine force et m’encourage à être optimiste.

Aujourd’hui, je vis à Prague, la somptueuse capitale de la République tchèque, pour un stage qui clôture mon master. J’apprends à accepter les moments plus difficiles associés à cette maladie bien handicapante qu’est la dépression.

Cara, 20 ans, étudiante, Lyon

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