Marquée par cette violence dans ma famille
Enfant, j’ai remarqué qu’il y avait un problème et qu’un truc n’allait pas entre mes parents. Mais quand j’essayais de leur en parler, ils disaient que tout allait bien. J’aurais vraiment aimé que ma famille se montre compréhensive et à l’écoute. Juste qu’ils m’écoutent sans qu’ils me coupent la parole. Juste écouter.
Je vivais constamment avec une boule au ventre et un stress permanent chez moi. J’avais comme un poids sur mes épaules. Je devais faire en sorte qu’il n’y ait aucun conflit, lire dans les yeux de ma mère pour savoir si je devais me mettre à l’abri ou la calmer et la rassurer. Mon père se montrait très violent parfois. Je l’ai vu étrangler ma mère dans leur chambre, sur leur lit. La porte était grande ouverte donc je voyais tout. J’avais 9 ans à ce moment-là.
Chez moi, ça gueulait, frappait, insultait
J’ai assisté à pas mal de violence dans ma famille, que ce soit physique ou psychologique. La police est déjà venue chez moi, deux fois. La première fois, c’était un soir où mes parents avaient eu une énorme dispute, ça gueulait, frappait, insultait, crachait toute leur haine et ce qu’ils avaient sur le cœur.
J’avais 10 ans et je m’étais allongée dans le lit de mes parents à la place où ma mère s’allongeait. La porte était poussée mais assez ouverte pour que je puisse comprendre la situation. J’avais sur mon poignet droit le chouchou rose de ma mère, il me rassurait et en même temps, ça me permettait de garder un souvenir d’elle au cas où.
Je ne sais plus pourquoi, mais j’ai décidé d’aller voir ma sœur dans sa chambre. En entrant, j’ai vu un agent de police en train de parler avec elle. Je ne comprenais pas pourquoi il lui parlait, j’étais jeune. En descendant les escaliers, j’ai vu ma mère parler à un autre policier dans l’entrée. J’avais peur et j’essayais de montrer au policier un appel à l’aide dans mon regard. Malheureusement, il n’a rien fait. Je ne sais pas s’il avait le droit de m’emmener ou de m’aider de quelque manière que ce soit, mais ça m’a fait mal. J’aurais aimé qu’il m’emmène loin de tout ce bazar, au moins le temps que ça se calme. Je me suis sentie seule, sans personne pour m’aider.
Le stress de parler
Depuis que les problèmes entre ma mère et mon père étaient arrivés, ma mère me disait de « ne rien dire à personne ». Cette seule et unique phrase m’a énormément marquée. C’est à cause d’elle que j’ai eu beaucoup de mal à parler de mes problèmes. En me la disant, ma mère m’a foutu, sans le savoir, un énorme coup de pression.
C’était un gros stress d’en parler. J’avais peur que mes parents sachent que je ne me sentais pas bien et que cela se termine en grosse embrouille, que l’on me frappe ou pire encore. J’imaginais tous les pires scénarios qui pouvaient arriver. En gardant tout ça pour moi, j’ai été en grande déprime. J’aurais aimé pouvoir en parler à mes amies. En fait, peu importe qui c’était, je voulais juste en parler à quelqu’un, crier sans forcément hurler.
En grandissant, à cause de tout ça, j’ai eu de gros problèmes d’expression à l’oral. Mais aussi une anxiété assez présente pour des choses banales. Vraiment, je stressais pour pas mal de choses. Entendre une sonnerie de téléphone me mettait un gros coup de stress. Je n’osais pas m’exprimer. Je faisais en sorte d’esquiver les sujets en lien avec mes problèmes. Si j’en parlais à mes parents, c’était comme me retrouver à 9 ans, seule et angoissée face à eux qui se disputent.
J’ai tout déballé, on s’est disputées
Ma mère ne s’est pas toujours montrée empathique avec moi. Elle se montrait gentille et essayait de me protéger, mais elle ne comprenait pas à quel point c’était une véritable torture. Nous avions pas mal souffert mais selon elle, on devait passer à autre chose et arrêter d’en parler. Je devais tout garder pour moi et ça me faisait pas mal souffrir. Elle n’essaie toujours pas de se mettre à ma place et de comprendre à quel point j’en suis encore impactée. À cause de ça, après cinq ans, j’ai tout déballé et elle ne s’est pas montrée compréhensive. C’est ce qui a démarré notre dispute.
Ma mère a des réactions assez limitées, elle ne se remet jamais en question et tout est de ma faute, ou celle de mon père, ou de ma soeur. Bref pour elle, c’est forcément la faute de quelqu’un mais jamais de la sienne. Elle décrédibilise totalement mes traumatismes et mes sentiments, ce qui a rendu la conversation difficile avec elle.
C’est un début, il me faut du temps pour aller mieux. Après, je sais que mes traumas vont me poursuivre toute ma vie, que je ne pourrais pas oublier tout ça. Mais je pourrai m’en servir comme une force. Je dois apprendre à vivre avec, même si c’est dur.
J’en ai parlé parce que j’en avais juste besoin. Ça m’a fait du bien de l’écrire. C’est comme si je hurlais sans pour autant crier : « Écrire, c’est hurler sans bruit », comme l’écrit Marguerite Duras. Je pense que cette citation représente bien le sentiment que j’ai ressenti lorsque j’ai écrit. C’est un soulagement.
Laura, 15 ans, lycéenne, Chelles