Salomé E. 16/06/2022

Ma mère était violente, mon père m’a protégée

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Quand elle était petite, c’est le père de Salomé qui l’a protégée des coups de sa mère. Les années ont passé, mais elle reste marquée.

Notre entourage nous répète depuis notre enfance que nous devenons qui nous voulons ; il n’y a pas une once de vérité dans ce genre de discours. Nous sommes les esclaves de notre environnement. Malgré les efforts, certaines expériences nous forgent jusqu’à notre dernier souffle.

Ma vie a commencé dans une petite maison chaleureuse, dans un village tranquille. Je n’ai jamais déménagé. Une petite vie bien tranquille m’était promise, dans un cadre familial à l’image parfaite. Mes demi-frères et sœurs ne vivent pas avec moi, alors je suis la seule à pouvoir témoigner de mon quotidien difficile.

Mon tout premier souvenir remonte à l’été 2009, j’avais 3 ans. Étant une petite cheffe, j’avais décidé de me faire une petite coupe avec mes ciseaux de princesse. Je me disais : « Un peu plus court que la coiffeuse, je serai belle ! ». Ma mère n’a pas été du même avis : elle jugea bon de pousser ma tête violemment sur le mur du couloir, en me traitant de plein de mots que je ne connaissais pas encore. Même avec mon manque de vocabulaire, j’avais mal.

J’ai perdu confiance en moi

Mon père, lui, est un homme de valeur. Il est un peu plus juste que ma mère. Les gens s’imaginent mal une mère violente et un père protecteur, pourtant, c’était mon cas. Après des années de conflits, mon père a réussi à faire stopper les violences physiques de ma génitrice. Depuis 5 ans, je n’ai plus une relation mère-fille, comme mes autres copines. Les conflits sont constants à la maison.

Pour moi, le cocon familial censé être, lieu de paix et de réconfort, se résume à des disputes. Au réveil, à table, avant de dormir… Ma mère saute sur la moindre occasion pour se défouler de son « horrible journée » ou de sa « mauvaise nuit ».

Si tout cela se résumait à des ordres mal amenés, je me contenterais de l’ignorer.  Mais là, j’étais la cible de rabaissements, de moqueries et d’insultes venant de ma « maman ». À l’école, je n’avais ni bonnes connaissances, ni copines. Je restais seule et m’ennuyais en cours. De petite cheffe, joyeuse et sûre d’elle, je suis devenue une adolescente avec trop de choses dans la tête, ayant perdu confiance en elle.

Ma mère comme anti-modèle

Maintenant, le collège et l’école primaire sont loin derrière moi. Aujourd’hui, l’école est un lieu où je m’épanouis avec mes amis. Ils ne sont pas parfaits, mais sans le vouloir, ils m’ont beaucoup fait prendre confiance en moi. Ce n’est pas encore ça, mais après tout, je n’ai que 15 ans. J’ai trouvé qui j’étais avec les années. J’ai pris mon demi-frère comme modèle, car il était « cool » à mes yeux. Il était le plus grand et il avait plus de liberté.

J’ai pris ma mère comme anti-modèle. D’ailleurs, quand je l’entends dire que je lui ressemble dans certaines actions, je fais en sorte de changer. Grâce à tout ça, j’ai énormément pris en maturité. À la maison, je reste souvent dans ma chambre à jouer sur mon ordinateur, alors je me sens bien. Mon père rentre à 18 h 00 et ma mère lorsqu’elle est à la maison, me prépare tous les soirs des repas équilibrés. Parfois aussi, on mange MacDo.

Ma relation avec ma mère n’est objectivement pas une relation mère-fille. Mon père me force la main pour que je lui fasse un bisou le soir, mais rien de plus. Avec les années et grâce à lui, j’arrive à passer outre les reproches de ma mère. Mais je la trouve tout simplement ridicule.

« Certaines personnes vivent pire »

Les gens avec qui je parle de ma situation me répètent souvent les mêmes choses : « Ça changera plus tard », « Tu vas regretter ton comportement avec elle », « Tes sentiments se re-développerons », etc. Si vous le dites. Je ne lis pas dans l’avenir. Et comme je le disais au début de ce texte, sommes-nous maîtres de ce que nous devenons ?

Je voulais vous donner une leçon de vie avec mon histoire en vous montrant que ma situation et mon environnement sont les premiers acteurs de ma santé mentale. Si vous ne vous sentez pas bien dans votre situation, faites changer les choses et soyez fiers d’avoir évolué et de vous être battus. Personnellement, je n’ai pas fait appel à la justice, car je n’en ressens pas l’utilité, je vais mieux et plus rien venant de ma génitrice ne m’atteint.

Osez agir, discutez avec les bonnes personnes, ne vous taisez pas et portez plainte si la situation s’y prête. Faites ce que vous jugez important et, si vous êtes dépassés par les événements, parlez à un adulte ou un professionnel proche, à l’école, par exemple. Dépassez vos peurs et faites-vous confiance. Ne pensez surtout pas : « Certaines personnes vivent pire ». Vous méritez l’aide dont vous avez besoin. [Si vous êtes victime ou si vous avez connaissance d’une situation de maltraitance d’un enfant, vous devez : appeler le 119,ndlr.]

Salomé, 15 ans, lycéenne, Lyon

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